Artiste
Dakar, Sénégal
Quand il apparait sur la scène musicale, MC Solaar produit une véritable révolution : assurément, le rap, cette “musique agaçante sans instruments” prisée par les “jeunes de banlieues” ne pourra plus être réduite à ces poncifs. Si juste avant lui, Assassin de Paris, NTM de Saint-Denis et IAM de Marseille en ont respectivement révélé la force d’attraction, le sens de la critique sociale et la puissance symbolique, Solaar y impose la profondeur poétique.
Apparemment détaché des contingences politiques qui animent ses congénères, Solaar pose une écriture et un flow, une approche jazzy cool et un goût des arrangements qui élargissent considérablement la palette des possibles et font du rap le vaste continent musical que nous connaissons. La plume trouve chez lui une légèreté nouvelle et s’autorise à creuser l’écorce des sentiments. L’image cultivée et élégante qu’il renvoie lui vaudront des sarcasmes vite étouffés par son talent.
Car MC Solaar est loin d’être un dandy : ses parents, originaires du Tchad, fuient la guerre et s’installe à Dakar. MC Solaar nait en 1969 dans cette ville en constante effervescence toujours marquée du poids de son passé colonial. Arrivé en France, il grandit à Saint-Denis puis à Maisons-Alfort et Villeneuve-Saint-George, dans le Val-de-Marne. Son adolescence en quartier populaire le marquera beaucoup et charpentera ses premiers textes : “Je viens du sud de la capitale, de la ville qu’on appelle Villeneuve-Saint-Georges, quartier nord… Hardcore ! “
Son premier album, désormais culte, Qui sème le vent récolte le tempo, sort en 1991. On y voit déjà la singularité de son travail d’écriture soigné. C’est un vrai succès : il réalise 400 000 ventes, ce qui est alors rare pour des disques de rap. Son single Bouge de là lui confère une grande notoriété, jusqu’au collectif nord-américain de hip-hop De La Soul, avec qui il partagera un concert à l’Olympia en 1991, puis avec Guru (du duo GangStarr). Ce titre est samplé du célèbre “The Message” de Cymande, mythique groupe de funk britannique.
Si son succès reste cantonné dans un premier temps aux frontières du hip-hop, son second album paru en 1994, Prose Combat paru en 1994, va le mettre sous les yeux du grand public en France. Sur “Nouveau western”, un sample de “Bonnie and Clyde”, pépite signée Gainsbourg en 1967, étonne et plait : il est nommé Meilleur Clip vidéo aux Victoires de la Musique en 1995. Mais cet album est plus qu’un succès de ventes : il fait de MC Solaar, le représentant d’un rap populaire, ancré dans le réel et qui ne se trahit pas. Ses séjours aux États-Unis, son succès, ses fréquentations mondaines ne l’ont pas fait dévier de son cap. Il gratte sans cesse dans ses cahiers, des rimes léchés et intelligentes. Il aime jouer avec la musicalité des mots, il manie les rimes comme peu de rappeurs de son époque. Il fréquente IAM mais n’endosse pas ce dossard du “rappeur engagé” Il est d’ailleurs contacté en 1997 pour le morceau “11’30 contre les lois racistes” (les lois Debré qui durcissent notamment les conditions d’entrée et de séjour des étrangers) mais n’en fera pas partie.
Pour son troisième album, Paradisiaque, moins retentissant mais non moins intéressant que les deux précédents, il travaille avec le duo Cassius (Philippe Zdar et Hubert Blanc-Francard). Devenu populaire et apprécié du grand public, il s’approche de certains réalisateurs : il côtoie Costas-Gavras et Mathieu Kassovitz par exemple et inspire une marionnette dans Les Minikeums .
Un long et douloureux conflit avec sa première maison de disque vient perturber sa trajectoire artistique. Mais ne l’empêche pas, en 2001, de réaliser Cinquième As qui, avec son titre phare “Solaar pleure”, passe un cap dans sa technique d’écriture. Ce n’est pas un simple morceau de rap, sa structure est dense, les références sont nombreuses et surtout le rythme s’emballe. Alors qu’on le croyait endormi par la notoriété, cette chanson rappelle à tout le monde que MC Solaar n’avait pas dit son dernier mot. En tout cas, sa ligne est claire : ne pas enfermer le rap dans “le dogme du hip-hop des années 90”. Il invoque plutôt : “le droit à la poésie, à la revendication et à l’excentricité” comme évoqué dans une interview sur France Inter en 2021. Plusieurs albums suivront, dont en 2017, après 10 ans de silence, l’introspectif et réussi Géopolitique, jusqu’à la parution d’un triptyque dont le premier volet, Lueurs célestes, est publié au printemps 2024.
4:18
3:12
4:35
4:55
2:53
4:02
3:07
Vous trouvez qu'il manque un média ?
Créez un compte ou connectez vous pour suggérer d'autres médias.
Se connecter