Artiste
Oran, Algérie
Cheb Hasni est né en 1968, à Oran en Algérie. Il est de ces jeunes que l’on décrit paresseusement comme des « gars du coin ». Cette étiquette, Hasni Chakroun de son vrai nom, la revendiquerait fièrement. Il connaît le quartier, ceux qui l’habitent, leurs rêves et imaginaires. Lui qui se rêvait footballeur laissera sa douce voix envoûter de nombreuses générations. Des cabarets aux mariages, en passant par le poste radio des taxis, les mélodies de ce fils de soudeur se font la caisse de résonance d’un sentiment : la passion.
La chance frappe à sa porte un beau jour de 1987 lorsqu’un producteur lui propose d’enregistrer avec la coqueluche du raï de l’époque, Chaba Zahouania, une chanson qui va provoquer une onde de choc par son franc-parler : “Nous avons fait l’amour dans une baraque mal foutue / Je l’ai prise et que les autres aillent se faire foutre / La soûlerie vous donne de ces idées”. Audacieuse, scandaleuse, “Beraka” (La Baraque) fait mouche auprès de la jeunesse. Ce sera le tube de l’été de cette année-là et les débuts fracassants de la carrière de Cheb Hasni.
Le rossignol sentimental renouvelle le raï, à contrecourant de ses confrères tels que Khaled, Fadela et Sahraoui qui chantent l’adultère et le divorce, lui chante l’amour, la fidélité, les rêves… De « Baïda mon amour » à « Mktoubi Hakda », il se fait la voix de ceux qui expriment de toutes ses forces leur envie de liberté, de joie, de passion et d’amour. Les morceaux pleuvent et sont repris à tue-tête par une jeunesse algérienne qui a trouvé son prince. Cheb Hasni devient le plus prolifique et le plus gros vendeur de cassettes du pays, remplit les stades ; mais il s’exporte aussi au-delà et fait des concerts dans toute l’Europe.
Le raï a le vent en poupe tandis que la situation politique en Algérie se dégrade : en 1991, le gouvernement annule les élections législatives après l’arrivée en tête du Front Islamique du Salut (FIS) au premier tour. C’est le début de la décennie noire, qui fera des milliers de morts et de disparus. Beaucoup d’artistes et d’intellectuels quittent le pays mais pas Cheb Hasni qui multiplie les allers-retours entre Oran et l’Hexagone, pour chanter et rendre visite à sa femme et à son fils qui vivent à Perpignan… Malgré les mises en garde, il reste fidèle à son quartier, à ses amis et en particulier à sa mère, qu’il célèbre dans ses chansons. L’Oranais reçoit des menaces qu’il ignore et poursuit sa route.
Le 29 septembre 1994, on a fait taire à tout jamais le rossignol. La vedette du raï a été assassinée, à seulement 26 ans, par le Groupe Islamique Armé (GIA), à deux pas de chez lui. Cet assassinat bouleverse l’Algérie qui perd l’idole d’une génération, l’auteur de plus de 150 albums en 8 ans, mort en martyr… Presque trente ans plus tard, les mélodies du «gars du coin» continuent à enchanter le pays.
Môme, on me connaissait dans le quartier parce que j’avais le gosier toujours déployé, le cartable jeté au loin.Cheb Hasni lors d'un entretien dans le journal Libération, 1992
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