Thème
En 2006, après plus de deux ans passés au Ghana au cœur de la très dense scène high-life, Brian Shimkovitz, un jeune doctorant américain en ethno-musicologie décide d’utiliser Internet pour partager au reste du monde les cassettes qu’il achète compulsivement au cours sur les marchés et dans les clubs d’Accra, la capitale. C’est l’acte de naissance d’un blog au nom pour le moins explicite : Awesome Tapes From Africa. Une quinzaine d’années plus tard, l’acronyme ATFA est devenu une référence incontournable pour quiconque s’intéresse à l’immense patrimoine musical du continent africain.
Entre temps, Brian Shimkovitz a mûri, et le projet de sa vie avec lui. ATFA est notamment devenu un label auquel on doit la distribution et réédition de près de 40 projets (dont une douzaine d’originaux) et l’Américain est devenu un DJ mondialement reconnu. Un phénomène dont peut témoigner le Ghanéen Ata Kak à la trajectoire de vie follement cinématographique et dont l’œuvre hybride a fait le tour du monde grâce à ATFA. Mais l’on pourrait en citer de nombreux autres à l’image de la chanteuse malienne Nâ Hawa Doumbia ou du pianiste éthiopien Hailu Mergia passés du statut d’artistes locaux à celui de têtes d’affiche de festivals internationaux, multipliant les tournées en Europe et aux Etats-Unis. Pour la seule année 2019, les artistes signés chez AFTA se sont produits dans plus d’une centaine d’évènements.
Au-delà de cette dimension artistique, ATFA est aussi et peut être avant tout un projet profondément politique de reconnaissance et de lutte pour un meilleur accès des artistes du continent africain au marché international de la musique. Lorsqu’il s’exprime sur son travail, Shimkovitz insiste systématiquement sur la nécessité de développer un nouveau paradigme de distribution de la musique africaine, jusqu’ici encore dominée par des maisons de disques occidentales au fonctionnement post-colonial et raciste. Cette critique va être intégré au modèle économique propre d’ATFA que le musicologue américain a construit sur la base des principes Do It Yourself de la scène punk, permettant aux artistes avec lesquels il collabore de conserver la quasi-totalité des droits et des revenus liés à leurs œuvres.
Créé par un authentique amoureux de musique, Awesome Tapes From Africa est avant tout un médium, venu humblement combler le manque de visibilité et de travail curatif dont souffre injustement le très riche et hétérogène champ des musiques africaines contemporaines.
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