Big Yellow Taxi

Belle ballade folk enjouée, “Big Yellow Taxi” s’inscrit dans une époque où la jeunesse américaine se rebelle, critique avec virulence la société de consommation alors que les scientifiques commencent à donner de la voix pour alerter sur la dangereuse pente climatique sur laquelle les humains s’engagent. Ecrite, composée et arrangée par Joni Mitchell, la chanson paraît dans le troisième album de la chanteuse, Ladies of the Canyon, sorti avril 1970.
Un an plus tôt, Joni Mitchell visite Hawaii où elle prend de plein fouet l’artificialisation de l’île. Alors qu’elle loge au Royal Hôtel, qu’elle décrit comme “ ‘hôtel ros “, elle est saisie par le contraste entre la vue sur les lointaines montagnes et le béton qui s’étend au pied de sa fenêtre là où un parking a pris la place des arbres. La situation est la même en Californie où elle habite et qui abrite toute une scène rock et folk à la pointe de la contestation sociale et culturelle. Armée d’une mélodie légère, teintée de folk et de sa voix cristalline, Joni Mitchell signe avec “Big Yellow Taxi” un manifeste musical et écologique en souvenir de ce séjour hawaïen qui l’a tant troublée.
Elle y dénonce couplet après couplet, le saccage par l’Homme de son si précieux environnement. Ici un parking, là des arbres réservés à un jardin géant (en référence au Foster Garden d’Hawaii), tout juste bons à être exposés comme dans un musée. Va-t-il falloir maintenant payer pour avoir le droit de se balader en forêt ? Puis viennent les pesticides, ce drôle de DTT (dichlorodiphényltrichloroéthane de son nom complet) qui tue les abeilles et les oiseaux.
Joni Mitchell met en miroir la destruction de la nature et celle de son histoire d’amour car au terme de la chanson un “gros taxi jaune” emporte son amant, qui l’abandonne, emportant avec lui un paradis terrestre voué à disparaître sous le béton.
“Big Yellow Taxi” connait un fort succès au Canada et aux États-Unis mais ce n’est qu’en 1974 avec une version live que le morceau devient un tube international. Abondamment reprise par Amy Grant, Bob Dylan, Counting Crows et bien d’autres, elle a également été samplée de nombreuses fois. La reconnaitrez-vous dans “Got Till It’s Gone” de Janet Jackson et Q Tip, hit de RnB des années 90 ?
Avec “Big Yellow Taxi”, Joni Mitchell signe une réponse cinglante contre l’injection de son temps : “sois sympa, achète et tais-toi”.