Demain c'est loin

Sorti en 1997, le troisième album d’IAM, le mythique L’École du micro d’argent, a été pensé par Akhenaton et Shurik’n - qui s’imaginent tels des “journalistes urbains” - comme une série de mini-documentaires. Pas étonnant que certains morceaux comme “Demain c’est loin” durent près de 10 minutes !
Si son texte est si long, c’est que ses auteurs avaient beaucoup à dire. D’une traite. Ce couplet qui deviendra un des plus grands morceaux de rap français selon le spécialiste Olivier Cachin a été écrit en quelques heures et aborde à peu près tout ce que la misère peut engendrer : violences, délinquance, trafic de drogue, addictions, inégalités, préjugés, haine, bavures, misogynie, ennui, insalubrité… Tout y passe pour dépeindre avec gravité la cruelle réalité de certains quartiers.

Pour bien le souligner, l’instrumentale de DJ Kheops passe en boucle quelques notes de harpe sur des kicks typiquement hip-hop. Cette incessante répétition rythme le flow immersif des deux MC. Shurik’n pose la première partie du morceau où il reprend le dernier mot de chacune de ses phrases pour en commencer une nouvelle. Une concaténation vertigineuse qui donne toute sa force aux vers du rappeur. Akhenaton, lui, utilise moins de figures de style, mais dynamise ses phrases à des moments inattendus, rendant son propos d’autant plus cru.

Les seuls repères qu’il nous reste sont les quelques bruitages (coups de feu, tirs de flèches, etc.) qui accentuent certaines paroles. Hypnotisés par ses dénonciations et ses énumérations, on se demande quand le morceau prendra fin. Et lorsqu’il s’interrompt enfin, sur la formule “demain c’est loin”, le silence qui s’en suit est glaçant.

Morceau phare d’un album devenu disque d’or en deux jours, “Demain c’est loin” reste une référence du hip hop francophone.