Flûte nasale

Dans les profondeurs de la forêt amazonienne, au sein de petits villages sur pilotis le long des cours d’eau, le peuple Wayana cultive un art sonore singulier : la flûte nasale. Cet instrument, peu coutumier des oreilles occidentales, occupe une place importante chez les Wayana, peuple autochtone vivant entre le sud de la Guyane, le nord du Brésil et le Suriname.

Animistes, les Wayana nourrissent un rapport très intime à la nature. En harmonie avec leur environnement, les objets qu’ils conçoivent en sont le prolongement artisanal, et à ce titre la flûte nasale, taillée dans un bambou fin, s’emploie comme un médium entre l’individu, sa communauté et le monde qui l’entoure. Aussi appelé patete, cet instrument de simple fabrication se joue par le nez et non par la bouche comme les flûtes occidentales. Cette flûte-ci ne possède qu’un ou deux trous, elle ne peut donc pas produire beaucoup de notes, mais c’est précisément ce qui la rend si particulière.

Le son de la flûte nasale est doux, feutré, presque chuchoté, si bien qu’il faut tendre l’oreille pour en saisir toute la portée. Il émane comme un souffle léger qui pourrait bien rappeler le murmure du vent ou le bruissement de l’eau, se glissant harmonieusement dans les entrelacs du riche écosystème des Wayana.

D’ailleurs, chez les Wayana, la flûte nasale n’est pas un simple objet de divertissement, elle est profondément ancrée dans leurs rituels et est souvent jouée lors de moments de recueillement et de cérémonie. Le son de la flûte ouvre la porte à des états de conscience où peuvent converger esprits et forces alentour. Le souffle nasal est pur, moins chargé que celui de la bouche, il relie l’être à la pureté des entités invisibles qui dansent autour de lui.

La flûte nasale est aujourd’hui le témoin de l’héritage en résistance des Wayana. Elle incarne à elle-seule leur rapport au vivant et au territoire, leur compréhension du monde qui les entoure. Trace fragile, ténue mais primordiale, la patete murmure le chant de la vitalité des Wayana à l’âme de la forêt qui les abrite.