Thème
Pour qu’il y ait “Renaissance”, il faut un foyer, un courant d’idées à suivre, et un vivier d’artistes et d’intellectuels prêts à l’incarner. C’est ce qu’il se passe à New-York dans les années 1920, où le quartier noir et populaire de Harlem devient l’épicentre de l’émancipation sociale et culturelle des Afro-Américains.
Après l’abolition de l’esclavage aux États-Unis en 1865, les Afro-Américains obtiennent le droit de vote. Une victoire, certes, mais rapidement nuancée par les mesures discriminantes mises en place par différents États du sud pour limiter drastiquement l’accès aux urnes des Noirs. Ce n’est là qu’une seule des démonstrations de la ségrégation que subissent plusieurs milliers d’Afro-Américains qui, en nombre, décident alors de quitter le sud dès les années 1910 pour venir s’installer dans les villes industrielles du nord et du nord-est du pays : c’est ce qu’on appelle la Grande Migration.
Le quartier new-yorkais de Harlem, au nord de Manhattan, devient rapidement le creuset principal de cette diaspora. Y convergent alors des esprits brillants, appelés par le vent de liberté qui souffle sur les toits de Harlem : artistes, écrivains, musiciens et penseurs se rassemblent et alimentent une émulation artistique et intellectuelle inédite qui, peu à peu, ménage une place pour l’identité afro-américaine au sein de l’héritage culturel des États-Unis.
Soutenue par des mécènes comme Alain Locke ou Carl Van Vechten, cette Renaissance se traduit en mots, en musique, sur les planches, au cinéma ou dans la rue, et porte la voix d’une communauté en quête de reconnaissance et d’égalité. A ce titre, Langston Hughes, en 1920, compare dans son poème “The Negro Speaks of Rivers” les Noirs américains aux rivières ancestrales de notre planète. Tout comme elles, ils sont à la genèse de la vie humaine, et peuvent légitimement réclamer leurs droits fondamentaux. De même, les écrits de Zora Neale Hurston, ou encore les films d’Oscar Micheaux, portent le flambeau de la résistance des Afro-Américains face à l’oppression.
La littérature, le cinéma et le théâtre, ne sont toutefois pas les seules expressions artistiques qui prospèrent à Harlem. En effet, en passant à côté du Cotton Club ou du Savoy Ballroom, on pouvait aussi saisir l’écho du jazz, âme de la Renaissance de Harlem, né de la fusion du blues, du ragtime, du gospel et nourri de rythmiques africaines. A cette époque, c’est le swing qui emporte la ferveur du quartier, et fait danser les personnes noires comme blanches au sein des mêmes soirées. Des artistes comme Duke Ellington et Louis Armstrong, les chanteuses Bessie Smith et Lena Horne, se fraient alors un chemin dans les salles les plus prestigieuses, tout en restant profondément enracinés à leur communauté noire américaine. Le jazz, en tant que musique fédératrice et populaire, a joué un rôle crucial dans la lutte contre les stéréotypes et pour une reconnaissances des Afro-américains. Incarnant à la fois la liberté d’expression et l’innovation artistique, il cimente dans les clubs de Harlem un héritage culturel dont se saisiront par la suite Joséphine Baker, Ella Fitzgerald ou encore Billie Holiday.
La fin de la Renaissance de Harlem est communément admise au milieu des années 1930, au cours desquelles s’accroissent les tensions économiques et sociales au sein du quartier, ainsi que le racisme et la ségrégation. Pour autant, elle aura permis l’émergence de grandes figures littéraires et artistiques, ainsi qu’un éveil politique et social capital pour la lutte pour les droits des personnes afro-américaines qui marque la suite du XXe siècle.
I’ve known rivers: I’ve known rivers ancient as the world and older than the flow of human blood in human veins. My soul has grown deep like the rivers. I bathed in the Euphrates when dawns were young. I built my hut near the Congo and it lulled me to sleep. I looked upon the Nile and raised the pyramids above it. I heard the singing of the Mississippi when Abe Lincoln went down to New Orleans, and I’ve seen its muddy bosom turn all golden in the sunset. I’ve known rivers: Ancient, dusky rivers. My soul has grown deep like the rivers.The Negro Speaks of Rivers, Langston Hughes, 1920
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