La bombe humaine

Extrait de Crache ton venin, le deuxième album de Téléphone sorti en 1979, « La bombe humaine » est peu à peu devenu le chant de toute une génération. La jeunesse française de la fin des années 1970 vit dans un monde trouble. Tiraillée entre deux blocs, celui de l’Est et celui de l’Ouest, elle est le témoin de la fin brutale de la période insouciante des Trente Glorieuses marquée par un second choc pétrolier et la crise de la sidérurgie. Le chômage augmente, mais vers qui se tourner ? Le président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, est éclaboussé par une affaire de corruption (l’affaire des diamants de Bokassa). Le pays a perdu de sa superbe en vendant son plus beau paquebot, le France. Enfin, un enseignant d’université nie publiquement l’existence des chambres à gaz et son propos défraie la chronique.
Les quatre membres de Téléphone ont la petite vingtaine en 1979. Avec « La bombe humaine », ils établissent un dialogue directe avec cette jeunesse désabusée, seule, angoissée par le nucléaire, la guerre froide et l’avenir qui s’assombrit. Jean-Louis Aubert semble chanter en face de chacun des ados qui écoutent ce morceau : « Je veux vous parler de moi, de vous » Son public est comme lui, il a cette même colère grondante.
Les riffs électriques de la guitare, toujours rageurs, la batterie bourrée d’énergie à l’image des paroles martèlent le message de Téléphone. Les électrons libres qui composent la jeunesse des années 1980 doivent se prendre en main et ne compter que sur eux-mêmes. Tout n’est pas perdu, l’espoir lui appartient.