Morceau
“J’suis l’poinçonneur des Lilas
Le gars qu’on croise et qu’on n’regarde pas”
Telles sont les paroles de la chanson qui a rendue célèbre Serge Gainsbourg. Elles annoncent très clairement la couleur : celle du récit d’un personnage au métier invisibilisé, triste et oublié.
Nous sommes à la fin des années 50. Le jeune chanteur et parolier vit à Paris, près de la Porte Dauphine, où il prend régulièrement le métro. Gainsbourg observe les gestes des poinçonneurs, ces employés du métropolitain chargés de valider les tickets des voyageurs à l’aide d’un poinçon. Un jour, il ose questionner un de ces hommes : “Quels sont les espoirs après une journée de travail ?”, ce à quoi le poinçonneur lui répond : “Voir le ciel”. L’inspiration est toute trouvée.
Dans “Le Poinçonneur des Lilas”, Gainsbourg se glisse dans la peau et la tête d’un homme en proie à un ennui mortel.
Bien qu’il puise à foison dans les champs lexicaux du voyage, de la navigation et de la fête (route, vague, brume, carnaval…) pour ses couplets, Gainsbourg répète inlassablement le mot “trou” dans ses refrains. Cette occurrence symbolise un net retour à la réalité qui s’impose aux rêveries du poinçonneur.
La chanson donne corps et voix à celles et ceux qui exercent un métier considéré comme vide de sens, aux conditions de travail déplorables, piégés par un train de vie aliénant. Ce thème travers les décennies. En 2021, un autre chanteur de talent, Stromae, interroge lui aussi la vie de ces travailleurs invisibles et méprisés dans “Santé”, un morceau remarqué.
Revenons à Gainsbourg. La fin dramatique du morceau, qui se conclut par le suicide du poinçonneur, ouvre un gouffre de réflexion effrayant. Au-delà de ces métiers abrutissants, n’est-ce pas la monotonie de la vie qui peut tous nous rendre fou ?
Titre-phare de l’album Du chant à la Une !, son premier, publié en 1958, “Le Poinçonneur des Lilas” fera de Serge Gainsbourg la coqueluche du Tout-Paris et une vedette de la chanson. Vingt ans plus tard, l’apparition des tourniquets automatiques fera disparaître le métier de poinçonneur, devenu obsolète. La chanson de Gainsbourg en gardera la mémoire et désormais, une station de métro aux Lilas porte le nom de célèbre chanteur. Joli hommage aux forçats du quotidien.
Je suis le poinçonneur des Lilas Le gars qu'on croise et qu'on n' regarde pas Y a pas de soleil sous la terre Drôle de croisière Pour tuer l'ennui j'ai dans ma veste Les extraits du Reader…
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