L’enfant et l’avion

Morceau

1968

« L’enfant et l’avion » : sombre comptine

En 1968, la guerre du Vietnam fait rage. Elle oppose, depuis 1955, l’armée populaire vietnamienne du Nord Vietnam soutenue par le bloc de l’Est au Sud Vietnam défendu par l’armée américaine ; mais c’est à partir de 1964-1965 que les États-Unis interviennent massivement pour s’opposer à l’avancée communiste dans le pays. Le président Lyndon B. Johnson ordonne des bombardements de plus en plus étendus, et autorise l’utilisation de bombes au napalm, tout en menant des offensives terrestres et des opérations de représailles contre les villages accusés de soutien aux combattants communistes. Le napalm, inventé en 1942 et déjà utilisé dans des conflits précédents, est un produit incendiaire dont la formule est faite pour brûler à une température précise et coller aux objets et aux personnes. Une photo célèbre de Nick Ut a montré à l’Occident toute l’horreur de ce procédé : elle représente des enfants sud-vietnamiens, dont l’une a arraché ses vêtements couverts de napalm, s’échappant du temple que l’armée a attaqué et du déluge de feu que les bombes ont provoqué.

C’est ce contexte qui inspire à Jean-Loup Dabadie le texte de « L’enfant et l’avion ». Sur une musique guillerette de Jacques Datin, évoquant une comptine, Serge Reggiani chante l’histoire d’un enfant face aux bombes. Deux couplets, laissant délibérément flou le contexte spatio-temporel, situent cet « enfant marrant » « tout seul » et « de rien vêtu » dans « un trou » dont l’origine est incertaine. Les refrains quant à eux donnent la parole à ce personnage attendrissant : dans toute sa naïveté enfantine, il chantonne, s’amuse du passage d’un avion, s’étonne de la disparition de sa maison et de ses frères, puis des oiseaux… et finit par découvrir ses frères « cachés sous les pierres » avant d’être interrompu dans son babillement au milieu du mot « avion ». Tout est fait, dans la mélodie comme dans la construction du texte, pour rendre cette chute la plus bouleversante possible. Les allusions progressives nous font petit à petit deviner l’horreur, mais la simplicité de cette joie d’enfant devant l’avion qui passe, la comparaison au « jouet perdu » qui associe le petit garçon à la fois à la légèreté de son âge et à la tristesse de la perte, suscitent notre empathie et nous brisent le cœur.

Chanson puissante de dénonciation d’un conflit qui sacrifie des innocents, « L’enfant et l’avion » sait jouer des contrastes et des émotions pour mieux nous faire éprouver l’absurdité et la violence, la tristesse, le deuil. Elle nous place du côté des victimes, massacrées par un ennemi sans visage.

Paroles de « L’enfant et l’avion »

Là-bas Comment ça s'dit Jeudi Dans ce jardin Je n'en sais rien Enfin Jeudi, là-bas Dans un trou Entre les fleurs cassées Dans un trou Que s'est-il passé S'amuse tout seul Tout seul Un

Par Marion Roche. Crédit photo visuel : "La petite fille au napalm", 8 juin 1972 © Nick Ut/AP/Sipa et Par Marion Roche. Crédit photo visuel : La petite fille au napalm, 8 juin 1972 © Nick Ut/AP/Sipa

Playlist

« L’enfant et l’avion » par Serge Reggiani, 1968

2:34

« L’enfant et l’avion » live par Serge Reggiani, 1968

2:22

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