Morceau
Il n’en fait pas mystère, Gauvain Sers a grandi dans la Creuse. Ce territoire que l’on taquine gentiment, synonyme de vide et, vulgairement, de « trou paumé ». Il a usé ses chaussures de gamin au coeur de cette France campagnarde, dans un petit village, délaissé, oublié, abandonné par la France d’en-haut.
Cette enfance marque profondément Gauvain Sers et imprègne son art, ses chansons et ses idées. Dans « Les oubliés », sorti en 2018, il rend hommage aux habitants de nos campagnes, laissés pour compte, et fustige une société française divisée, à deux vitesses, centralisée autour de Paris qui ne laisse rien à la province. Le morceau raconte l’histoire vraie d’un instituteur de la Somme qui voit son école de village fermer, faute d’effectifs et de moyens investis par l’État. La chanson a des allures de plaidoyer politique contre la désertification dans l’éducation et la santé, et le désengagement du gouvernement. Pour l’écrire, le chanteur a lui-même rencontré l’instituteur, qui l’a interpellé en concert. Ces paroles, c’est la grogne, la colère de cette France périphérique, dénigrée, effacée. Une colère contre la politique, le capitalisme, avec des mots d’anciens, un peu à la Renaud : les bonbecs, les marmots… Dans le clip, tourné au coeur même de l’école abandonnée, avec les mêmes élèves et le même instituteur, Gauvain Sers donne de l’émotion à ce qui pourrait n’être qu’un fait divers ou un vulgaire article de presse.
« Cette même philosophie qui transforme le pays en un centre commercial
Ça leur a pas suffit qu’on ait plus d’épicerie
Que les médecins se fassent la malle
Y’a plus personne en ville
Y’a que les banques qui brillent dans la rue principale
On est les oubliés
La campagne, les paumés
Les trop loin de Paris
Le cadet de leurs soucis »
Sur le plan formel, le classicisme est de mise : voici un guitare-voix nappé de synthés avec une rythmique discrète. La filiation est nette : de Moustaki à Duteil, de Renaud à Mellismell, Gauvain Sers est l’héritier appliqué d’une tradition solidement ancrée.
Gauvain Sers n’oublie jamais d’où il vient, et demeure toujours attaché à ses racines, lui qui retourne souvent dans la Creuse pour se ressourcer. Au-delà des paroles, les actes : en 2019, il monte une tournée dans les « villes oubliées », notamment son village, Dun-le-Palestel.
Dans « Les oubliés », Gauvain Sers porte un message engagé, fort, d’une authenticité rare. Il est le porte-voix de ceux que l’on n’entend pas. Il ose se mouiller, comme d’autres avant lui, et se pose ainsi en digne héritier de la chanson française engagée.
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