Lily

A l’occasion d’un séjour à New York en 1972, Pierre Perret assiste à la conférence donnée au Madison Square Garden, fameuse salle de plusieurs milliers de places par Angela Davis, la militante communiste afro-américaine fraîchement libérée de prison à l’issue d’un procès retentissant. C’est à ce moment-là que lui vient l’idée d’écrire « Lily». Il laisse passer quatre ans avant de la publier dans un contexte politique particulier. En effet, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, la France, le pays a enfin permis aux familles des travailleurs immigrés de se regrouper. Certains ne manquent pas l’occasion d’attribuer à cette décision la hausse du chômage engendrée par les fermetures d’usines.
A cette époque, Pierre Perret est connu comme un chanteur populaire, au sourire malicieux, empreint d’humanisme, amoureux transi des mots et usant volontiers d’une écriture au style enfantin. Pourtant, en 1977, lorsqu’il chante pour la première fois « Lily », il prend tout le monde à revers car rien ne laissait présager qu’il traiterait d’un sujet aussi brûlant que celui du racisme et de l’intégration des étrangers et qu’il serait un de ceux qui dénoncerait la condition des immigrés, victimes de moqueries, d’humiliations et de violences. Et pourtant… Il le fait à sa manière… avec calme et sous des airs faussement naïfs.

Lily raconte l’histoire d’une jeune femme des Somalies qui a décidé de quitter son pays pour débarquer à Paris puis plus tard aux Etats-Unis. Pour gagner sa vie, elle enchaîne toutes les tâches ingrates qu’on réserve aux immigrés. On ne lui fait pas de cadeau. Elle connait les humiliations, le racisme ordinaire puis finit par perdre ses illusions. Mais une rencontre va changer sa vie et celle de millions d’Afro-Américains. C’est celle d’Angela Davis, figure emblématique, grande militante des droits humains et du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis. C’est auprès d’elle qu’elle aura, pour la première fois de sa vie, le courage de lever le poing et de ne plus avoir peur. Enfin, elle est entendue et elle n’est plus seule. Cette figure métaphorique a valeur d’exemple pour celles et ceux qui ne se laissent pas priver de leurs droits.

A sa sortie, cette chanson a valu à son auteur de recevoir bon nombre de lettres d’insultes mais surtout d’obtenir plusieurs prix dont celui du « Prix 1978 de la Paix » délivré par la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme.

Dans son album « Mes chansons engagées » paru en 2012, on retrouve « Lily » ainsi que « La petite Kurde » qui dénonce la guerre, « Elle attend son petit » qui parle d’avortement, « Riz pilé » qui traite de la famine ou « La bête est revenue » qui met en garde contre la montée de l’extrême-droite.