Morceau
Le morceau “Lo que le pasó a Hawái” de Bad Bunny figure sur le sixième album du chanteur DeBÍ TiRAR MáS FOToS, sorti en janvier 2025. L’album a buzzé dès sa sortie, et pour cause : il détonne dans la discographie du reggaetonero porto-ricain. Bad Bunny offre ici une ode à Porto Rico, son histoire, sa culture, celles et ceux qui l’habitent. Il mêle des sonorités reggaeton mais aussi des rythmes salsa, des percussions caribéennes et plein de petits bouts de l’histoire musicale de l’île.
“Lo que le pasó a Hawái” est sans doute le titre le plus politique de l’album. Bad Bunny y dénonce la gringofication de Porto Rico en faisant un parallèle avec la situation d’une autre île archi-célèbre : Hawaï. En 1898, Porto Rico cesse d’être une colonie espagnole pour devenir une colonie nord-américaine. L’ile a le statut de territoire non-incorporé des États-Unis. Le tourisme de masse et l’installation de riches occidentaux en quête d’un paradis y fait monter les prix et oblige les populations locales à se déplacer tout en les jetant dans la précarité. Le phénomène est déjà bien installé à Hawaï, et Porto Rico semble être la prochaine sur la liste.
Le morceau a un rythme lent comparé au reste de l’album. La voix de Bad Bunny accompagnée de petites percussions et cordes y prend toute sa place. Il y règne une sorte d’intimité. Le chanteur se montre vulnérable et partage sa tristesse et ses angoisses face à la situation de son île d’origine. Les paroles sont très explicites. Le chanteur dénonce le scandale des jibaros, ces agriculteurs forcés à la migration. Il évoque la diaspora portoricaine, qui n’a jamais voulu partir et qui rêve d’un retour incertain. Quant à celles et ceux qui restent, ils résistent, mais pour combien de temps ?
Les silences eux aussi veulent dire beaucoup. A plusieurs reprises, la mélodie ou la voix de Bad Bunny sont interrompues brutalement pour laisser la place à des chants d’oiseaux : une référence directe aux coupures d’électricité trop fréquentes à Porto Rico.
La privatisation des ressources naturelles et leur dégradation sont aussi au cœur de la chanson. Tous les morceaux de l’album sont accompagnés de diaporamas engagés en rapport avec l’histoire et la culture portoricaine accessibles sur YouTube. Le visuel de “Lo que le pasó a Hawái” est un texte sur les animaux endémiques de Porto Rico en voie d’extinction, expliquant le lien direct entre disparition de la biodiversité et processus colonial.
Enfin, si le morceau dénonce il se veut aussi porteur de résistance et d’espoir. “Ils veulent nous enlever le fleuve, et la plage, notre quartier et que la grand-mère s’en aille : en réponse, brandir le drapeau, se rappeler le lelolai (mélodie portoricaine)”, nous dit le refrain.
En plus d’être un très beau morceau, “Lo que le pasó a Hawái” est révélateur des préoccupations et des luttes menées par les générations actuelles pour l’indépendance de Porto Rico et la préservation de leur île.
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