L'odeur de l'essence

Morceau

2021

« L’odeur de l’essence », portrait au vitriol d’un monde qui s’effondre

C’est précisément avec ce genre de morceaux qu’Orelsan frappe juste. « L’odeur de l’essence » n’est pas sans rappeler le controversé et misanthrope « Suicide social » sorti en 2011. Mais dix ans ont passé et désormais Orelsan se cache plus derrière un personnage mysanthrope un rôle, il rappe en son nom propre. Avec Civilisation (2021), album dont le morceau est extrait, le plus vendu de l’année 2021, Orelsan remet donc le couvert avec une seule et même intention : appuyer sur les plaies d’une France (et d’un monde) au bord de l’embrasement.

Ici, Orelsan débite en tension une liste effrayante de maux qui gangrène la société et signe un texte franc, direct, à l’os. Personne ne ressort indemne de ces quatre minutes d’uppercuts en pleine tête. Orelsan attrape d’abord les politiciens par le col. À quelques mois des présidentielles, il s’alarme de la montée de l’extrême droite, de celle qui croit en la grandeur déchue de la France, celle qui a peur du « Grand Remplacement », celle, raciste, qui crache sur les minorités religieuses. Il livre une vision blasée et définitive de la politique, celle d’une génération qui n’y croit plus. Le rappeur normand enchaîne en dénonçant les inégalités, l’aliénation du travail, critique amèrement les médias et les réseaux sociaux, véhicules de la peur, de la haine et de la bêtise. Il s’insurge contre la recherche constante de buzz, l’hystérie du débat public, polarisé et sans nuances. Bref, pour Orelsan, on s’entretue dans une civilisation en train de s’effondrer.

L’instrumentale et le clip viennent appuyer avec force ce noir manifeste. Derrière la « prod », le beatmaker Skread pioche dans la drill et la trap et signe un track sombre, hypnotisant et anxiogène. Le morceau n’a pas de refrain, et sa structure donne une impression de fin du monde en version accélérée, à l’image de la société que dépeint le rappeur. Dans le clip, sorti trois ans jour pour jour après le début du mouvement des Gilets jaunes, Orelsan se tient devant un écran géant diffusant des images de manifestations, d’émeutes.

Comme à l’accoutumée, Orelsan n’échappe pas à la polémique. En cause, l’utilisation du terme « Mongol » comme une insulte. Une association de promotion de la culture mongole a lancé une pétition pour censurer le morceau jugée raciste, exigeant des excuses publiques ou à défaut la déprogrammation des concerts d’Orelsan. Le rappeur n’a pas réagi…

Avec « L’odeur de l’essence », Orelsan a fini de rire et signe un avertissement féroce sous la forme d’un morceau de bravoure.

Paroles de « L’odeur de l’essence »

(Regarde) la nostalgie leur faire miroiter la grandeur d'une France passée qu'ils ont fantasmée (Regarde), l'incompréhension, saisir ceux qui voient leur foi dénigrée sans qu'ils aient rien

Par Aleksien Méry et 

Gaëlle Maisonnier

Playlist

« Suicide Social » par Orelsan, 2011

5:48

« L’odeur de l’essence » par Orelsan, 2021

4:45

« L’odeur de l’essence » par Orelsan, 2021 (live France Inter)

4:15

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