Marchand de cailloux

Bouleversements en vrac : la Yougoslavie explose, l’URSS s’effondre, la première guerre du Golfe permet de tester des armes nouvelles. L’Intifada, la guerre des pierres, s’étend en Palestine, la paix n’avance pas. Mais enfin, Nelson Mandela est libre après 25 ans de prison et devient le premier président de l’Afrique du Sud sans Apartheid. Côté musique le rap s’impose comme un art à part entière. Public Enemy, NWA ou Wu Tang Clan, les styles se diversifient, le public grossit et le business aussi. Les mouvements métal et grunge se cristallisent autour de groupes devenus cultes comme Nirvana. Le look devient la tendance et la société vire à l’égoïsme. Et aussi Zebrock fait ses premiers pas !

C’est un air et des arrangements irlandais qui habillent ce texte et rendent la chanson sautillante et festive, une invitation à la ronde et aux pas chassés. Les tambours, la flûte, la mandoline, l’accordéon et les fiddles (violons) nous entrainent dans une danse rythmée, une grande gigue irlandaise ! Pourtant l’Irlande évoquée dans le texte n’a rien à voir avec l’atmosphère joviale des pubs.

Bien beau texte d’un Renaud en verve. Ode à l’enfance et révolte crue en sont les deux arguments, autour d’une image forte, celle du marchand de cailloux, sorte de père fouettard, symboliquement opposé au Père Noël. Les cailloux ce sont ceux que lancent désespérément les enfants palestiniens sur les soldats israéliens lors de l’Intifada dans les territoires occupés et les enfants irlandais sur les soldats anglais en Irlande du nord. Renaud met dans la bouche d’un enfant, en l’occurrence sa fille, tout ce qui l’insupporte dans ce monde bancal où injustices, famines et guerres font une ronde macabre. En établissant un saisissant contraste entre la réalité décrite et le désir d’amour et de tendresse de l’enfant, Renaud, qui se moque un peu de lui-même dans le dernier couplet, veut nous alerter et y parvient : la vérité ne sort-elle pas de la bouche des enfants ?