Mistral gagnant

Qui n’a jamais fredonné ou n’a échappé à ces quelques paroles : « À m’asseoir sur un banc, cinq minutes avec toi, et regarder les gens tant qu’y en a… » ? Ces mots entêtants sont ceux de Renaud. En 1985, le chanteur au bandana rouge est à son apogée. En dix ans de carrière, le trublion au cœur tendre compte six albums à son actif et collectionne les succès comme des pin’s avec « Hexagone », « Laisse béton », « Marche à l’ombre », « Mon beauf’ », « Manu »… En 1985 donc, Renaud enregistre un nouvel album de l’autre côté de l’Atlantique, à Los Angeles. Il broie du noir, sa fille Lolita, âgée de cinq ans, lui manque. Il vide son sac sur le papier, en une demi-heure, sur un coin de table. La chanson « Mistral gagnant » est née.

Dans cette ballade empreinte de nostalgie, il s’adresse à sa petite fille, et la met en garde contre le temps qui passe (trop) vite et qu’on ne peut rattraper. Il livre sa vision de l’enfance, insouciante et espiègle. Lui qui, gamin, était gourmand de friandises… comme les Mistrals Gagnants. Avec cette recette, la chanson a tout pour réussir. Un texte mélancolique teinté de poésie, posé sur une mélodie de piano touchante et puissante. Pourtant, Renaud doute. À sa femme Dominique, au téléphone, il chante une ébauche et lui fait part de ses doutes. Pour lui, la chanson est trop personnelle, sans grand intérêt. Elle ne colle pas à son image de rockeur, de sale gosse. À l’autre bout du fil, le verdict est sans appel. Sa compagne lui pose un ultimatum : « Si tu ne mets pas cette chanson sur ton album, je te quitte ». Finalement, de vilain petit canard, le morceau devient cygne majestueux, et donne même son titre à l’album. La suite, on la connaît. Un succès fulgurant, repris par une foule d’artistes. Une chanson qui accompagne depuis des générations de Français.

Comme quoi, parfois le destin ne tient qu’à un (coup de) fil.