Porcherie (La jeunesse emmerde le Front National)

« La jeunesse emmerde le Front National » scandent des centaines de jeunes furieux à l’Olympia en 1989, reprenant en cœur Bérurier Noir à la fin de son morceau « Porcherie ». Cette phrase, bientôt culte, deviendra le signe de ralliement de toute une génération contre la montée de l’extrême droite en France.
Sorti en 1985 sur l’album Concerto pour détraqués des Bérus, « Porcherie » est une boule de nerfs punk dans laquelle Fanfan et Loran (plus tard accompagnés de Masto) hurlent leur refus du nationalisme avec une guitare, quelques accords, un refrain et sans batteur ! C’est une boite à rythme nommée Dédé qui le remplace. Une boite à rythme sonne moins bien qu’un vrai batteur ? Pas grave ! C’est low cost et ça fait du bruit : en punk, on s’en fout des longues symphonies, on veut du bruit, on veut que ça crache, il y a un message à faire passer, une mobilisation urgente.

Dans la France de la fin des années 1980, les Trente Glorieuses sont en voie de liquidation, le progrès technologique longtemps idéalisé devient prétexte à la mondialisation sans règle avec ses « restructurations d’entreprise » et autres « nécessités » et « on n’y peut rien ». L’avenir s’assombrit : regain de guerre froide autour de la crise des missiles nucléaires US Pershing contre SS20 soviétiques et le sida change la donne amoureuse. On commence aussi à sentir que la nature ne supporte plus le traitement que notre société marchande et productiviste à outrance lui inflige. Le Front National, parti d’extrême droite et nationaliste dirigé par Le Pen père, gagne doucement mais sûrement en influence, jouant sur toutes les peurs tandis que le président Mitterrand joue à le respectibiliser. Et la jeunesse déteste ça : des SCALP (Sections carrément anti-Le Pen) se constituent aux côtés du collectif Ras l’Front, les redskins et autres organisations de jeunesse, lycéennes et estudiantines, et le titre des Bérus est leur hymne. Ils n’imaginent pas que quelques années plus tard les “porcs” seront aux portes du pouvoir.

Avec Bérurier Noir, le concert punk est un rassemblement politique qui vous secoue les tripes. Le live à l’Olympia de 89 fera date car malheureusement Dédé et les doigts d’honneur des Bérus sont toujours d’actualité. En 1981, le FN envoie deux députés à l’Assemblée nationale. En 2022, il s’appelle le RN et en a 89. Le « plus jamais 20 % » crié par Loran en 1989 est bien triste à écouter.

Dans les années 2000, l’esprit braillard et libertaire des Bérus soufflera sur les teufeurs, ces jeunes impliqués dans le mouvement free party, qui reprennent à leur compte la célèbre phrase. Ils rendront d’ailleurs hommage à leurs aînés en ré-éditant un de leurs albums, à la sauce tekno.