Le gorille

Impertinent Georges Brassens. Toujours, ce chanteur, qui tient une place de choix dans le patrimoine musical français, aura fait fi des règles, des conventions, de la bien-pensance et du qu’en dira-t-on.
C’est en 1952 sur son album La mauvaise réputation, qu’il dépose l’audacieuse chanson « Le gorille ». L’histoire est simple : un groupe de femmes reluquent d’un regard lubrique un gorille dans sa cage, lorsque, coup de théâtre, celui-ci parvient à s’échapper. Privé depuis toujours de relations avec des femelles, le gorille doit choisir entre une vieille dame ou un juge… C’est le second qu’il choisit et qu’il emmène dans les bois subir les pires caresses. Brassens s’en amuse : malmené par le gorille, le juge pleure et supplie… Comme l’homme qu’il vient de condamner à mort, dans le cadre de son travail. Tel est pris qui croyait prendre, en somme.
Brassens signe ici une chanson polissonne qui, en bousculant les codes de l’époque, offre aussi une fine critique politique contre la peine de mort. Brassens explique ne pas avoir pensé à la morale en amont de l’écriture, et avoir voulu, au tout départ, écrire un texte plaisant et drôle. Ainsi, dans ce morceau aux allures de fable de La Fontaine, c’est la chute imprévue qui donne au texte tout son poids. Une chute fidèle aux idéaux libertaires de l’artiste. Une chute qui, aussi subtile soit-elle, vaudra au « Gorille » une censure des ondes pendant plusieurs années avant une nouvelle diffusion sur Europe 1 en 1955. Pourtant, cette chute douce amère a permis au morceau de s’ériger au rang d’incontournable de la chanson française.

Rédaction : Aleksien Méry