Commençons cette exploration de l’enfance par un classique de chez classique !

Juste après la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), quatre amis s’inventent un monde visuel et sonore défiant résolument les modes. Ils s’appelaient François Soubeyran, Georges et André Bellec (deux frères !), et Paul Tourenne. Les Frères Jacques tiendront le haut de l’affiche pendant près de quarante ans. Collants noirs, justaucorps de couleurs, gants et chapeaux melon, grosses moustaches et voix graves roulant les « R », Les Frères Jacques chantent, miment, chorégraphient chaque chanson avec une précision diabolique. Le moindre geste, le plus infime placement de voix, est réglé comme une horloge, le fruit d’un travail de fourmi. Connus dans le monde entier, ils étaient drôles, étonnants, bizarres, inclassables et ne ressemblaient vraiment à personne.

Inspirés par les Comedian Harmonists, sextuor vocal allemand nourri du jazz arrivé des Etats-Unis et interdit par les nazis, Les Frères Jacques se forment au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, alors que la France se relève peu à peu de ce terrible conflit. Le pays est dévasté, tout est à reconstruire. Pourtant l’espoir est là, les premières réformes sont mises en place avec la création de la Sécurité sociale et l’adoption du droit de vote des femmes. C’est le début des Trente Glorieuses. En 1946, alors que Les Frères Jacques sortent « L’entrecôte », leur premier succès, le pays célèbre encore la Libération, un moment de fête et de soulagement même si les conditions de vie restent difficiles pour les Français.

« En sortant de l’école » est une ode à l’imagination et à la liberté de tous les enfants. Cette chanson est la mise en voix du poème du même nom, écrit par Jacques Prévert en 1946. La musique est signée Joseph Kosma, formidable compositeur et vieil ami du poète. En 1949, Les Frères Jacques sont déjà les rois du music-hall et se voient proposer de reprendre le répertoire de Prévert. Lourde tâche ! Ils hésitent puis se lancent… et ça marche ! Les paroles de « En sortant de l’école » dessinent, en quelques mots, l’impatience et l’euphorie que vivent tous les élèves au moment où la sonnerie de la fin des cours retentit. Quelle joie de quitter le cadre strict de l’école, des leçons et des interros ! Le piano accompagne parfaitement ce voyage qui commence une fois que le monde des grands et des contraintes prend fin. Le quotidien se transforme en aventure merveilleuse, le rêve devient réalité. Encore une fois Prévert exprime son indéfectible tendresse pour l’enfance et les enfants.