Avant même de savoir parler, l’Homme faisait déjà de la musique. Cette activité l’accompagne dans son quotidien depuis la nuit des temps, et chacun d’entre nous débute sa vie en ayant emmagasiné des sensations sonores depuis le ventre maternel: la voix aigüe de la mère, celle plus basse du père et le rythme constant du cœur forment une “musique” qui nous a tous bercés.

Produits originellement de façon naturelle, les sons ont petit à petit été créés par des instruments fabriqués à cet effet. Ainsi est née la musique, c’est-à-dire un système de sons intentionnellement créés s’articulant les uns avec les autres. Dès l’Antiquité, elle était conçue comme une science étudiée au même titre que l’arithmétique, la géométrie ou l’astronomie.

En l’absence de procédés pour enregistrer la musique, il fallait trouver un moyen pour la fixer et la transmettre. À l’origine délivrée de façon orale, elle s’est dotée au fil du temps d’une écriture particulière. Ainsi, évoquer l’évolution de la notation musicale, c’est aussi en apprendre sur la musique, inscrite dans une histoire qui la relie par l’écriture à la mémoire du passé. Cette écriture est particulièrement propre à la musique occidentale, les autres sphères de la planète conservent une approche intuitive, liée à l’improvisation et à la tradition orale.

LA MUSIQUE ÇA S’ENTEND ET ÇA SE LIT!

L’existence d’une première notation musicale est attestée dès les origines de l’écriture (au XVIe siècle avant J-C), mais au XIe siècle “l’écriture neumatique” fait son apparition.

En occident, la notation musicale trouve son origine dans le chant chrétien. Associée aux textes liturgiques, les neumes permettaient au chanteur de lire les paroles tout en suivant une ligne mélodique grâce à des indications sur le mouvement de la voix, du plus aigu au plus grave et inversement. Cette mise en forme servait la tradition du chant grégorien monodique (une seule mélodie en même temps), où le texte prévaut sur la trame musicale. À l’époque seul le message religieux importe! Mais lorsqu’au XIe siècle le moine Guido d’Arezzo crée “l’écriture diastématique”, la notation musicale se concrétise. Ancêtre du système encore en vigueur aujourd’hui, cette écriture permet d’indiquer avec précision les différentes hauteurs des sons grâce à des signes inscrits dans une grille constituée de six lignes parallèles appelée “portée”. Sous les appellations “ut, ré, mi, fa, sol, la, si”, ces indications sont devenues les notes que nous utilisons de nos jours car à chacune d’entre elles a été déterminée une intonation relative. Le nom de “ut” a été changé pour devenir la fameuse note “do” et la portée s’est ensuite fixée à cinq lignes.

Toutes ces tentatives de fixer la musique sur un support conduisirent à l’invention du solfège qui ne trouva sa forme définitive qu’à la Renaissance, tout comme le développement du concept de partition. Un chanteur pouvait reproduire un air jamais entendu auparavant en lisant la partition.
La notation musicale s’enrichit au fil du temps. Le rythme, les nuances (crescendo, decrescendo, forte,…) les silences (pauses, soupirs…) et les altérations (le dièse rend la note plus aigüe, le bémol la rend plus grave, le bécarre rétablit sa sonorité initiale) correspondent ainsi à l’essor de la polyphonie au XVIe siècle. Les instruments ne se cantonnent plus à suivre fidèlement la voix, ils échappent à l’accompagnement pur et simple, et s’emparent de plus en plus du rôle de soliste, au même titre que la voix. La partition devient un objet fini et au XVIe siècle, et l’apparition de l’harmonie impose de nouvelles règles au solfège.

LA MUSIQUE SE PARTAGE: VIVE LE SOLFÈGE!

C’est évident: chaque instrument est différent du fait de l’étendue des sons qu’il produit et de son timbre. Si un instrument ne peut pas jouer exactement les mêmes notes qu’un autre, ils peuvent cependant s’accorder ensemble sur une ligne mélodique et la rendre plus jolie ou plus riche à l’oreille. C’est ce qu’on appelle l’harmonie. Le développement de la musique instrumentale se fait en opposition à la monodie médiévale et révèle les limites du système modal peu à peu remplacé par le système tonal.

Dans une composition inscrite dans le système modal, les instruments jouent dans l’ombre de la mélodie principale effectuée au chant. Un impression d’immobilité se dégage de la musique car l’air ne s’effectue que sur un seul et même mode à la fois. Ces modes anciens sont basés sur les sept notes de notre gamme dite “tempérée” (do, ré, mi, fa, sol, la, si) et la musique en est quelque sorte prisonnière. À l’opposé, le système tonal est indissociable de l’harmonie car il permet à chaque instrument de trouver sa place dans la mélodie. Au lieu des sept modes, ce système n’en contient plus que deux: le mode majeur et le mode mineur, divisés en tonalités. Celles-ci se composent d’une succession de notes (gammes) et d’un ensemble d’accords (combinaison de notes avec leurs altérations) sur lesquels les instruments peuvent jouer ensemble. Un morceau peut ainsi être composé en “fa majeur” ou en “mi bémol mineur”. On mesure bien ces différences quand on compare la musique religieuse médiévale à celle infiniment plus riche et exubérante de Mozart.

La musique est cependant en perpétuelle évolution. Au début du XXe siècle, le système tonal a lui aussi connu des bouleversements avec l’apparition de la musique contemporaine (musique atonale). Les apports techniques liés au développement de l’électronique ont également modifié les rapports de l’homme à l’écrit musical: de nouvelles écritures musicales ont fait leur apparition, mais surtout la musique peut désormais être engendrée, produite et reproduite sans le support de l’écriture.

Une chanson est avant tout composée de musique et de paroles. Avant d’être un air à la radio, une mélodie entêtante sur un CD, une chanson est une feuille de papier où les mots et les notes font de drôles de dessins. La partition comporte toutes les indications pour que chanteur (les mots) et accompagnateurs (la musique) fabriquent la chanson que nous aimerons. Une seule chose n’est pas écrite: l’émotion. Mais elle est toujours présente.

Voici la partition de la chanson «Joker» de Clarika.