pochette d’album de Screamin’ Jay Hawkins
Né en 1929 à Cleveland, Jalacy Jay Hawkins partage ses premières années entre la boxe et la musique avant de se tourner définitivement vers le blues lorsqu’il débarque à New York. Grand provocateur, Screamin’ Jay Hawkins joue de sa voix rocailleuse, imagine des mises en scène bizarres, mystiques et scandaleuses pour l’époque. C’est l’un des pères du « shock rock », le rock qui choque, aux sonorités audacieuses et hurlantes. Roi de l’étrange, surfant parfois sur le vulgaire (on pense à son mythique « Constipation Blues »), il se construit un personnage culte de sorcier sortant d’un cercueil à roulettes. De nombreux artistes, musiciens et cinéastes comme Jim Jarmusch s’en inspireront. Pionnier provoc’ du rhythm and blues, Screamin Jay Hawkins s’éteindra en 2000, en France.
exemple de « blackface » déguisement qui consiste pour un Blanc à se maquiller en Noir pour le caricaturer.
Les lois ségrégationnistes qui pèsent sur la vie des Afro-Américains de 1875 à 1964 sont appelées les lois « Jim Crow ». Ce nom est en fait le titre d’une chanson composée par Thomas Rice, premier Blanc à se noircir le visage et les mains pour jouer « le Noir » au XIXème siècle. C’est le « blackface ». La chanson deviendra un spectacle qui rencontra un grand succès et Jim Crow sera un personnage populaire partout aux États-Unis. Les Noirs, eux, n’ont pas le droit de se produire sur scène. Au lynchage et à la violences physique, s’ajoute une autre forme de racisme, plus sournoise : l’humiliation et la caricature, dans les « minstrel shows », des Afro-Américains par les Blancs à travers Jim Crow, figure paresseuse, stupide et insouciante.
Si Billie Holiday choisit de dénoncer les atrocités faites aux Noirs par son interprétation poignante de « Strange Fruit », Screamin’ Jay Hawkins choisit, au contraire, de prendre les racistes au mot. Avec « I Put A Spell On You », qui sera son plus grand succès, il joue sur la caricature du Noir qui fait peur, le sorcier vaudou qui jette ses malédictions sur les bonnes gens. Sur scène, théâtral, il terrorise le public avec son os dans le nez, ses yeux exorbités, hurlant comme un dément avec Henry, son bâton tête-de-mort ! L’instrumental, teinté de rhythm and blues, avance à pas de loup, tel une ballade pour un amour perdu, avant de devenir de plus en plus inquiétant. Il semble dire au raciste apeuré : « Regarde comme je suis maléfique ! ». « I Put A Spell On You » a été largement repris, notamment par Nina Simone (1965), Nick Cave (1994) ou encore par le volontairement malsain Marylin Manson (1995).
I put a spell on you Because you're mine You better stop the things you do I tell ya I ain't lyin' I ain't lyin' You know I can't stand it You're runnin' around You know better daddy I can't…