La pochette du vinyle… parodiant les 3 petits cochons de Walt Disney.
On ne peut décemment pas parler des débuts de Ludwig Von 88 sans évoquer les circuits musicaux indépendants qui furent associés au groupe : celui des concerts dans les squats parisiens ou de banlieue, celui des infos circulant grâce aux premières radios (vraiment) libres et aux fanzines photocopiés ou ronéotypés, celui des réseaux parallèles à la grosse industrie musicale qui à la suite de la reconnaissance publique de Bérurier Noir s’organisèrent dans notre pays. Les Ludwig furent vraiment des moteurs et au cœur de ce que l’on appelait alors le mouvement alternatif.
C’est Olivier « Olaf », un ancien Beru justement, qui fut l’un des co-fondateurs des Ludwig Von 88 en 1983 ; mais il ne resta pas très longtemps dans un groupe qui connaîtra par la suite et durant toute son histoire de nombreux changements de personnels. Il faudra en effet vraiment attendre la fin des années 80 pour que la formation (qui va compter jusqu’à neuf membres à certaines époques) se stabilise autour de Karim Berrouka (Chant), Fabrice Barthelon (Chant), Nobru (Guitare), Laurent (Basse) et Jean-Mi (machines, programmation de la boite à rythmes). Dès leur premier album Houla La ! paru en 1986, l’originalité de Ludwig Von 88 parait évidente. Dynamisées par un punk rock à la fois minimaliste et efficace leurs chansons mélangent contestation et humour, dérision et, dans leurs refrains, convivialité à partager avec l’auditeur. Une formule qui va souvent se renouveler et plaire, puisqu’entre 1986 et la séparation du groupe en 1999, sortiront dix albums et plus d’une dizaine de singles. Une activité discographique doublée d’un nombre impressionnant de concerts.
Il faudra attendre ensuite 2016, pour que le groupe remonte sur scène une nouvelle fois à l’occasion du Hellfest, une prestation qui sera suivie d’une tournée appelée « Derniers concerts avant l’apocalypse » et (trois ans après) de l’album 20 chansons optimistes pour en finir avec le futur.
A ce stade, on aurait pu croire la saga des Ludwig terminée… Et bien non ! En 2023, ces glorieux iconoclastes de la scène alternative française ont fêté joyeusement leurs quarante années d’existence en se produisant une nouvelle fois au festival du Hellfest, prouvant que leur récurrente énergie parvient toujours à faire massivement chanter et amuser la foule.
Photo du défilé géant de 8 km de long entre la Bastille et les Invalides, contre le projet de loi Devaquet, 4 décembre 1986 (Source: Patrick Kovarik/AFP).
En décembre 1986, la jeunesse est dans la rue ! Des centaines de milliers de lycéens et étudiants manifestent à Paris et dans toute la France, en couleurs et en musique, contre le projet de loi Devaquet de réforme des universités, un projet qu’ils jugent inégalitaire et injuste. Mais cela tourne mal : Malik Oussekine, un étudiant, est frappé à mort par un CRS. La colère monte et le gouvernement recule, mais à quel prix ? Quelques mois plus tard, Ludwig von 88 sort « Les Trois P’tits Keupons ».
En maniant l’humour et la dérision, les provocateurs de Ludwig von 88 dénoncent les violences policières et l’acharnement dont font l’objet les punks (keupons en verlan). Ils reprennent la célèbre comptine pour enfants « Les Trois Petits cochons » pour mieux montrer du doigt le « Grand Méchant Loup », c’est-à-dire ici, Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur de l’époque, à la tête de toutes les polices. Ce titre à la vraie fausse bonne humeur devient l’hymne punk contre la police et toute forme d’autorité en général.
Regarde là bas Le grand méchant condé Y'avait trois petits keupons Avec des jolis blousons Et des Doc à coque, Des ceintures cloutées Et des ch'veux décolorés Le premier petit…