Après les souvenirs doux amers, place aux gamins qui ne tiennent pas en place, aux mal élevés, aux turbulents ! Parce que la famille, quand on est nombreux et qu’on n’a pas le sou, ça met l’ambiance !

Plus qu’un groupe, c’est une tribu formée par huit copains qui naît en 1987. C’est d’abord le nord de Paris qui sera spectateur de ses concerts festifs. Que ce soit dans le métro ou dans les cabarets, les Négresses Vertes jouent des compositions aux accents métissés : rock, polka, raï … Dans un contexte où l’Angleterre faisait place à la diversité musicale qui l’habitait, et après la sortie de leur premier album, « Mlah », les précurseurs français ne pouvaient donc que réussir leur traversée de la Manche. Leur dégaine toute aussi typique qu’exotique a aussi bien su charmer les fans de punk, que les fans de fête ou de jazz manouche. Et même Madonna n’a pas pu leur résister ! Cette dernière fera appel à eux pour participer à la bande originale du film « Dick Tracy ». Malheureusement, en 1993, le groupe perd Helno, l’un de ses membres phares. Il avait une belle gueule et une voix gouailleuse. Pas étonnant qu’il se soit bien entendu avec Manu Chao … Suivent tout de même deux albums, dont l’un dédié au chanteur décédé.

Puis le groupe se sépare en 2001 et il faudra attendre 2018, trentième anniversaire de « Mlah », pour les retrouver sur scène. Et pas n’importe quelles scènes ! Avant même leur date parisienne au Trianon, c’est à la 84ème édition de la Fête de l’Humanité que le public a pu les retrouver.

En plein débat filmé avec les militants de son parti, Jacques Chirac, qui deviendra par la suite président de la République française pendant 14 ans, lance une petite phrase d’une grande violence. En moins d’une minute, le maire de Paris se noie dans un flot de clichés sur des habitants de la Goutte-d’or à Paris, quartier populaire par excellence. Tout y passe sur le ton du « Bon Français » travailleur qui en a marre de voir les familles immigrées se la couler douce, en troupeau et dans la crasse, en touchant l’argent de l’État. Or, en 1991, le Front National grignote de plus en plus de voix. L’immigration est présentée comme un problème, une invasion qui devient incontrôlable. La peur, la haine et le dégoût sont attisés dans des débats qui excitent les racistes, à quelques années de l’élection présidentielle de 1995. La petite phrase de Jacques Chirac prononcée lors de ce débat ternira son image. « Le bruit et l’odeur » lui colleront longtemps aux baskets.

Tous les poncifs* qu’on jette comme autant d’accusations d’indignité à la face des supposés « collectionneurs d’allocs », sont ici retournées comme autant de pieds de nez, ou doigts d’honneur, à la face des médisants et méprisants. C’est un peu la version chantée de « Affreux, sales et méchants » le fameux film du réalisateur italien Ettore Scola sorti en 1976 qui défile ici, tandis que les cuivres moqueurs font une haie d’honneur à cette sarabande de malappris. « C’est bien plus qu’une famille, voilà une escadrille ». On retrouve avec plaisir cette verve ironique et caustique des exubérants Négresses Vertes. En une rime, la tribu, menée par la voix pleine de gouaille* de portée par des cuivres, tacle directement Jacques Chirac qui prononça cette formule « Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille » quelques années plus tôt. L’arroseur arrosé ?

• Poncif : Une formule dite et redite, encore et encore, qui a perdu toute son originalité et qui s’est transformée en cliché.