Les vacances en famille ne se font pas forcément au bord de la mer. Elles peuvent aussi être un retour aux sources, le temps d’un été, histoire de renforcer les liens avec les cousins, les oncles, les tantes, les grands-parents, les voisins et amis que l’on ne voit que trop rarement…

« Le » 113 est un groupe de rap formé par trois amis de toujours, originaires de Vitry-sur-Seine : Rim’K l’Algérien, Mokobé le Malien et AP le Guadeloupéen. Ils rappent sous ces trois chiffres, clin d’œil direct au numéro de l’immeuble où ils ont vécu dans la cité Camille Groult, depuis 1994. Le trio n’en reste pas là. Ils montent leur propre label, Frénésik, plus tourné vers le rap hardcore et se lie avec la Mafia K’1 Fry, collectif de hip hop réunissant toute la clique du Val-de-Marne (94) : Rohff, DJ Mehdi, Kery James et bien d’autres. C’est en 1999 que le 113 met tout le monde d’accord avec la sortie de son premier album, Princes de la ville. Puriste du rap « céfran » branché sur la fréquence de Skyrock ou simple curieux, tous les jeunes de la France de la fin des années 1990 connaissent le 113. À l’époque, le rap entre dans les oreilles de toute une génération pour devenir, petit à petit, le genre musical le plus écouté par les jeunes… Le 113, quant à lui, poursuit sa route. Entre activité de label et solides carrières solo, Rim’K, AP et Mokobé publient encore quatre autres albums ensemble avant de se séparer en 2011. Mais attention, cela ne veut pas dire que les trois parrains du rap ne comptent plus dans le game…

L’euphorie de la victoire de la France à la Coupe du monde de football de 1998 n’est pas encore retombée à l’époque où « Tonton du Bled » s’invite à la radio. On célèbre la France « Black-Blanc-Beur », une expression qui symbolise le multiculturalisme* du pays. Les cultures des Français d’origine étrangère et particulièrement originaires d’Afrique seraient-elles à la mode ? Films et chansons mettent cette richesse des cultures et la diversité en haut de l’affiche. Malheureusement, la bonne humeur retombera bientôt et pour cause : les discours enfiévrés n’ont pas été suivis d’actes concrets.

Titre devenu un classique du rap français, morceau culte pour toute une génération, « Tonton du Bled » est extrait de l’album Les Princes de la ville produit par le regretté DJ Mehdi. Pourquoi un tel succès qui vaudra au 113 une Victoire de la Musique ? Bourré de clins d’œil humoristiques, porté par le flow de Rim’K qui en a écrit les paroles, « Tonton du bled » raconte avec force une tradition familiale et estivale que connaissent bien les enfants d’immigrés maghrébins : le retour au bled pendant les grandes vacances. Morceau joyeux, mais nostalgique, « Tonton du bled » sent le vécu et fourmille de références au pays, tant dans les paroles avec l’utilisation d’expressions arabes, de citations de lieux (que les initiés reconnaitront), que dans l’instrumentation. En effet, DJ Mehdi sample le standard du raï « Harkatni Eddamaa », chanté par l’Oranais Ahmed Wahbi qui vient s’ajouter au groove du 113. « Tonton du bled » salue avec second degré et tendresse les racines des blédards, la famille restée au pays mais raconte aussi le fossé qui se creuse entre les générations d’immigrés : ni complétement français, ni complétement maghrébins, beaucoup ressentent cette sensation de décalage, d’avoir à justifier de sa place partout et tout le temps. Bref, ce morceau festif a beaucoup de choses à dire et ne finit pas de surprendre !