Tous les quatre ans ça nous intéresse, parfois même ça nous passionne. En 2020, ça nous inquiète : qui sera le Président des Etats-Unis d’Amérique ? Le pays semble coupé en deux après quatre ans d’une présidence violente et chaotique, qui a remis en selle une Amérique conservatrice et réactionnaire redoutée et redoutable, à l’opposé de celle, magnifique, que nous ont chantée quelques unes de ses belles figures musicales. Cinq chansons d’une Amérique généreuse.
Woody Guthrie et sa fameuse guitare antifa.
Né le 14 juillet 1912 ( ça prédestine) dans l’Oklahoma, Woodrow Wilson Guthrie se découvre tôt musicien, jouant ces mélodies irlandaises que lui chantait sa mère décédée, et fonde un groupe au Texas. Tôt marié, il a trois enfants. Le 14 avril 1935, une gigantesque tempête de sable noie une immense partie du Texas. Le Dust Bowl ravage tout, enfouit les récoltes et détruit les maisons. Des milliers de personnes sont jetées sur les routes de l’exode. Woody part tenter sa chance en Californie, la terre promise du rêve américain. Il y subit de plein fouet la violence dont sont victimes ces réfugiés du Midwest, les « Okies », pauvres diables démunis, méprisés et battus que l’écrivain John Steinbeck puis le cinéaste John Ford ont immortalisés dans Les Raisins de la Colère. Il décroche un job dans une station de radio de Los Angeles. Rompu à la chronique sociale par les chansons qu’il a pris l’habitude de composer, souvent sur des airs connus réemployés devant des piquets de grève, il mesure la portée de la radio. Il ne se prive pas d’y croquer politiciens et hommes d’affaire véreux et de se faire le porte parole des syndicalistes et autres activistes qui défendent les principes de justice dans la jungle sociale qu’est la Californie. Parti à New York, il enregistre des disques restés célèbres, fonde les Almanach Singers un groupe de légende avant de reprendre la route, ne tenant jamais en place. Figure centrale de la musique américaine, il a laissé un nombre incalculable de chansons, influencé les plus grands et magnifié le personnage du chanteur folk qui défend des causes et utilise les chansons pour dénoncer, ironiser, entrainer. Le fameux « This machine kills fascists » gravé sur sa guitare est devenue sa signature emblématique, cent fois reprise comme signe de ralliement des musiciens de gauche et contestataires. Il a profondément marqué le jeune Bob Dylan.
Sa figure croise celle de Charlie Chaplin, qui représenta dans ses films ce monde ouvrier dont Woody chantait le quotidien, le travail et les humeurs. Son sourire moqueur éclaire une Amérique de la liberté, à l’opposé de celle des néo-conservateurs fanatisés par Donald Trump.
Les paroles ont évolué au fil du temps et des circonstances
C’est une des plus fameuses chansons américaines, tous répertoires confondus. Woody l’écrit en 1940 pour contrer le “God Bless America” du compositeur Irving Berlin, chanson qu’il juge pompeuse et trop peu ancrée dans le monde réel, celui des hommes qu’il juge plus tangible que la promesse divine du Paradis. La mélodie, comme c’est souvent le cas, est inspirée d’airs traditionnels du folk américain. Les paroles sont une ode patriotique à ce pays, terre promise des immigrants, terre de conquête de ceux qui l’ont bâti. De bout en bout, il est fait pour ceux qui y travaillent de leurs mains et de leur tête affirme le chanteur. Ecrite alors que les Etats-Unis sortent péniblement de la crise de 1929 et de l’effroyable misère dans laquelle elle a plongé des millions de familles, elle se veut un message d’espoir : au-delà des difficultés, nous pouvons tous ensemble faire ce pays encore plus beau, plus juste dit en substance le troubadour syndicaliste. Comme le veut la coutume il en existe plusieurs versions avec des couplets différents, écrits au fil de l’actualité. Cette chanson est un classique cent fois repris tant par Pete Seeger que Bruce Springsteen ou encore Sharon Jones and the Dap Kings.
John Steinbeck met en scène un héros, simple et émouvant, Tom Joad, figure humble du travailleur américain. Le livre comme le film de John Ford font le récit poignant de ces années de crise et de grande pauvreté.
La crise de 29, effondrement spectaculaire de la bourse après des années de surenchère spéculative, a produit aux Etats-Unis une misère massive et des mouvements de populations gigantesques. Des évènements climatiques spectaculaires, tels les Dust Bowls (tempêtes de sables ) qui ont balayé l’Oklahoma, le Texas et le Kansas ont poussé des paysans ruinés sur les routes de l’exode. En Europe, elle a fabriqué le terreau sur lequel ont pu prospérer le nazisme en Allemagne et le fascisme en Italie. Ces mouvements ont d’ailleurs un écho profond aux Etats-Unis. Ainsi Henry Ford, le fameux constructeur d’automobiles, farouchement antisémite, très anticommuniste et hostile aux syndicats, rend-il hommage à Hitler et combat-il les mesures sociales de la politique de redressement, le New Deal, proposée par le président Roosevelt. Cette période connait une très brutale aggravation des conditions de vie des ouvriers de l’industrie comme de l’agriculture (ce que racontent les films Les Temps modernes de Charlie Chaplin et Les Raisins de la colère de John Ford, d’après le roman de John Steinbeck) et une violente répression contre les syndicats. Mais la mise en œuvre du New Deal et sa politique de grands travaux permet une forme de relance économique et sociale. Woody Guthrie sera d’ailleurs embauché pour écrire et chanter l’épopée de la construction des grands barrages sur la rivière Columbia (Grand coule damm)
Embauché par l'Etat, Woody Guthrie compose 30 chansons en 30 jours, ode aux constructeurs qui domptent la Columbia River.
This land is your land, this land is my land From California to the New York Island From the Redwood Forest to the Gulf Stream waters This land was made for you and me. As I went walking that…
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