Les Jeux Olympiques, ce ne sont pas toujours que de beaux moments, surtout lorsque les enjeux politiques prennent le dessus. Les nageuses de l’équipe de la RDA en ont payé le prix fort, Gisèle Pape chante leur histoire.

Musicienne dans l’âme, Gisèle Pape jouait de l’orgue enfant à Belfort, sa ville natale. Après avoir appris les métiers du son et du cinéma, elle opte pour la chanson. Son travail progresse et s’affirme en électro-pop. Son premier album sorti en 2021, Caillou, est peuplé de belles idées sonores et de chansons qui bousculent les conventions, les habitudes et les lieux communs. Outre le son et la voix, la musicienne manie son image avec grâce en réalisant et montant ses propres clips.

S’ils prônent les belles valeurs du sport, les Jeux Olympiques ont souvent fait l’objet de démonstrations de puissance au détriment du bien-être des sportifs et des sportives. Dans les années 1970, le monde est toujours séparé en deux camps, les pays de l’Ouest, dominés par les États-Unis) et le bloc de l’Est. L’Allemagne est elle-même coupée en deux depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est un nouveau genre de guerre, sans affrontement direct avec des canons et des soldats, mais faite de menaces, de course à la puissance dans d’autres domaines que sur le champ de bataille, y compris les compétitions sportives. Pour affirmer son autorité sur la scène internationale, la République Démocratique Allemande (RDA) forme une équipe de nageuses surentraînées, poussées au bout de leurs capacités et surtout dopées à leur insu. Si les nageuses est-allemandes raflent de nombreuses médailles, leurs corps sont détruits. Manipulées pour la gloire de leur pays, elles en garderont des séquelles à vie sur leur foie et leurs reins, et d’autres donneront naissance à des enfants handicapés. Alors la victoire, mais à quel prix ?

Armée de sa pop électronique, Gisèle Pape choisit de raconter le destin tragique des nageuses de la RDA. Elle chante l’instrumentalisation de ces jeunes femmes par le pouvoir politique, elles qui ne sont devenues « plus que des corps ». Ce « théâtre » dont parle Gisèle Pape, c’est celui qu’elle représente dans le clip de son morceau, où se mêlent des mises en scène de mannequins et des images d’archive des Jeux Olympiques de 1976. Sa musique illustre ses paroles, Gisèle Pape manie d’abord une mélodie douce, à l’image de l’innocence que les jeunes athlètes viennent à peine de quitter. A mi-parcours cette mélodie se heurte à des basses et à une boîte à rythmes répétitive, oppressante, qui rappelle la course et les innombrables longueurs parcourues par les nageuses dans les bassins.