Joyeuses et mutines, graves et profondes, colorées et charmantes, les comédies musicales ont souvent deux vies. Soit, elles sont d’abord créées sur scène, notamment à Broadway, ce quartier lumineux des théâtres de New York, puis arrivent sur les écrans. Soit, elles font le chemin exactement inverse. Voyons ça…
L'affiche de la version théâtrale jouée à Broadway avant le film, en 1936. Source : Héritage-Auction
Show Boat est née sur scène de Broadway en 1927, quand le cinéma commençait à peine à se faire parlant. Déclinée d’un roman de l’américaine Edna Ferber, c’est une romance qui met en scène les déchirures d’une famille de comédiens dont la fille, Magnolia, ne se décourage pas des obstacles de la vie, jusqu’à retrouver son mari ruiné et reprendre avec lui et leurs enfants une vie heureuse sur le Show Boat, ce bateau qui monte et descend le Mississipi avec sa troupe de comédiens qui se produisent lors de chaque halte dans les villes abordées. C’est un parfait mélodrame au terme duquel l’amour est sauf. Mais, si l’histoire finit bien, ses méandres nous laissent entrevoir la violence d’une société qui maltraite les individus. Elle aborde clairement la question du racisme endémique dans le sud des États-Unis où s’appliquent les lois de ségrégation : la meilleure amie de Magnolia, Julie, a du sang noir dans les veines et les autorités poussent le directeur du Show Boat, père de Magnolia, ainsi que son propre mari, à s’en séparer, tandis que sans répit les travailleurs noirs tirent ce bateau sur les chemins de halage. Elle évoque aussi le fléau de l’alcoolisme, thème cher à l’Amérique puritaine.
La pièce connut un immense succès. Le livret écrit par Oscar Hammerstein II, un des plus grands librettistes américains et les musiques de Jerome Kern, un maître du genre, font de Show Boat une des plus belles réussites de la comédie musicale. Trois films en ont d’ailleurs été tirés en 1929, puis en 1937, très fidèle à la création faite à Broadway et enfin en 1950, avec des acteurs fameux, notamment la brûlante Ava Gardner, évoluant dans un océan de couleurs tel que le rendait possible le procédé Technicolor. Ces deux derniers sont aussi restés fameux par la qualité des interprètes.
Un tableau de Show Boat lors de sa reprise à Londres.
Leur signature compte parmi les plus fameuses de la comédie américaine. La liste interminable des œuvres et de leur succès laisse songeur.
Né dans une famille d’artistes, Oscar Hammerstein Il est né le 12 juillet 1895 à New York et mort le 23 août 1960 à Doylestown en Pennsylvanie, est un librettiste américain, auteur, parolier et producteur de comédies musicales. Le librettiste signe la trame, construit l’intrigue et les dialogues de la pièce. Il est très souvent aussi l’auteur des paroles des chansons.
Hammerstein a obtenu deux Oscars de la meilleure chanson originale en 1942 (pour « The Last Time I Saw Paris » dans Divorce en musique) et en 1946 (pour « It Might as Well Be Spring » dans La Foire aux illusions), et trois Tony Awards dans la catégorie meilleure comédie musicale en 1950 (South Pacific), 1952 (Le Roi et moi) et 1960 (The Sound of Music). Il est aussi à la manœuvre dans Hellzapoppin, Oklahoma et Carmen Jones.
Jerome Kern, est un compositeur américain, né le 27 janvier 1885 à New York, mort le 11 novembre 1945 dans la même ville. Il a composé plus de 700 chansons de scène, dont plusieurs devenues des classiques. Il est également l’auteur de comédies musicales et de nombreuses musiques de film. Il est un des premiers à avoir su conjuguer l’écriture musicale classique européenne aux nécessités du grand écran et aux refrains des chansons populaires.
L’un et l’autre ont largement contribué à façonner notre imaginaire en mots et en musique. La carrière de Hammerstein a connu un nouvel élan dans sa collaboration avec l’excellent Richard Rodgers, après la disparition prématurée de Kern, en 1945.
Oscar Hammerstein. Source : Wikipedia
Jerome Kern. Source : Wikipedia
Chanson clef du film, elle s’est imposée dans le monde comme un grand standard de la chanson américaine, traversée d’une sérieuse contestation des conditions faites aux Afro-Américains. Dans le film, cette complainte est chantée par Paul Robeson, une des grandes voix artistiques des Etats-Unis, ce militant de gauche, grand chanteur et comédien accompli, habite cette chanson de sa voix profonde et donne à entendre le désarroi des Afro-Américains. Nous y entendons la lamentation de ces hommes maltraités qui rappelle celle des esclaves privés de toute espérance et réfugiés dans la promesse biblique de traverser le Jourdain pour y trouver la Terre promise, comme le raconte l’Ancien Testament dont ils ont appris le moindre des détails en fréquentant les églises du Sud religieux et esclavagiste. Cette chanson a connu de multiples reprises et interprétations. Elle fût un des hymnes de la lutte pour les droits civiques, dans les années 60, quand des millions de personnes se mobilisaient à l’appel du pasteur Martin Luther King et du militant Malcom X.
La partition d'une chanson célèbre. Source : Alamy
Here we all work 'long the Mississippi Ici, nous travaillons tous le long du Mississippi Here we all work, while the white boys play Ici nous travaillons, alors que les garçons blancs…
Affiche du film de George Sidney, en 1950.
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