Jacques Brel, dans son élément : la scène
Jacques Brel est né le 8 avril 1929 à Schaerbeek, une commune populaire de Bruxelles la capitale belge. Une éducation petite-bourgeoise strictement catholique n’aura pas raison de son goût de la rêverie, vite abondé de poésies et titillé par l’envie de chanter. Premiers poèmes, premières chansons et la roue de la reconnaissance se mue en roue du succès. Brel devient vite un grand de la chanson française et entre dans son panthéon avec ces joyaux que sont “Amsterdam”, “Ne me quitte pas”, “Les Flamands” et tant d’autres.
Franc parleur, attentif au monde, il rencontre une grande ferveur populaire gagnée par la beauté de ses textes, la puissance de son inspiration et l’ironie féroce dont il fait preuve envers son milieu bourgeois d’origine. A quoi il faut bien sûr ajouter la puissance de ses interprétations, un choc pour celles et ceux qui ont eu la chance de le voir sur scène. Nous avons tous en tête cette image d’un homme tout tendu, suant et tremblant, vivant ses récitals comme une véritable épreuve physique.
Des concerts de légende dans une salle légendaire
Et les ventes de disques explosent.
Voici une une chanson au destin étonnant. Composée sur la trame d’un très célèbre air du folklore irlandais, “Greensleves”, elle naît en 1964 sur la scène de l’Olympia, sans que le chanteur belge y croie vraiment.
Surpris par l’enthousiasme du public, Brel change d’avis et “l’adopte” sans toutefois vraiment l’aimer. Elle deviendra un des titres parmi les plus forts de son répertoire, dont curieusement il n’existe que des versions en public, dont une enregistrée à la Maison de la Radio en 1965 et révélée en… 2019 ! Fameuse entre toutes, cette chanson sera reprise de très nombreuses fois par des voix aussi diverses que celle de l’anglais David Bowie, des corses I Muvrini, de la québécoise Isabelle Boulay, de l’allemande Ute Lamper jusqu’aux chœurs soviétiques de l’Armée Rouge. Porté par l’expressivité incroyable avec laquelle Jacques Brel chantait, ce texte au lexique d’une grande richesse porte une sorte de désespoir qui rend tout à fait palpable à l’auditeur la mélancolie sombre que peuvent charrier des marins dévorés par la solitude. L’accordéon, et le piano hésitants, s’emmêlent pour faire surgir une valse triste, une valse de marin gris rentrant au petit matin sur les quais embrumés.
Les fameuses tulipes de Hollande sur les canaux qui conduisent...
au Port d'Amsterdam qui a bien changé !
Alors que la vague yéyé emporte la jeunesse de France, les grandes voix de la chanson française prospèrent sur les grandes scènes de l’hexagone et sur les écrans de la télévision française qui ne compte alors qu’une chaîne. L’américanisation rampante de la société française se heurte à ces grandes statures, les Brel, Gréco, Brassens, Ferrat, Piaf, Renard et Ferré, qui ont pour elles la force de leurs textes et un rapport affirmé à la poésie. La force de cette chanson française nous rappelle que la France indépendante et fière de de Gaulle, vient de claquer la porte de l’OTAN et s’est, plus que bien d’autres pays européens, tenue à distance des envahissants Etats-Unis. D’ailleurs, signe du poids durable de cette chanson dans le paysage musical, le tout nouveau magazine Rock et Folk, tout dévoué aux musiques anglo-saxonnes, réunira pourtant les trois grands, Brel, Brassens et Ferré, pour une interview historique en 1969.
L'interview historique immortalisée par Jean-Pierre Leloir
Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui chantent Les rêves qui les hantent Au large d'Amsterdam Dans le port d'Amsterdam Y a des marins qui dorment Comme des oriflammes Le long des berges…
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