Adolescente romantique, Françoise Hardy est née en 1944 à Paris. Elle a 17 ans quand elle tente sa chance auprès des disques Vogue, installés à Villetaneuse. Enregistré le 25 avril 1962, son premier disque est vite distingué grâce à cette chanson aux accents mélancoliques. Un passage sur la seule chaîne de la télé, en pleine séquence électorale, puis la Une de Paris Match popularisent son joli sourire et sa longue silhouette : elle devient instantanément la vedette d’une génération prête à croquer la vie, maintenant que la « sale guerre » prend fin. La chanson a connu de nombreuses interprétations en France et à l’étranger, et a fait l’objet d’un scopitone, le clip de l’époque, tourné par Claude Lelouch. Ce premier succès passé, elle s’installe comme une référence de la chanson en France, plume raffinée et compositrice inspirée, icône révérée des plus grands qui en sont amoureux - secrètement pour les uns, ouvertement pour les autres. Compagne de Jacques Dutronc avec lequel elle a un fils, Thomas Dutronc, elle s’est éloignée de la chanson, y gardant toutefois de solides et tendres amitiés.

Nous sommes dans la France des années 60, la guerre d’Algérie vient enfin de s’achever par les accords d’Evian signé le 18 mars 1962 et on souffle. Sous la houlette du Général de Gaulle, la France affirme son statut de grand pays indépendant, qui s’emploie à apaiser les tensions de la guerre froide. Hymne de la période yéyé dont l’émission (puis le journal) Salut les copains est le porte-voix, cette chanson ouvre une nouvelle période pour les jeunes Français, dont l’avenir n’est plus oblitéré par la peur de mourir à la guerre ou d’y voir mourir l’être chéri. Dorénavant, on peut se projeter dans une histoire d’amour, semble dire Françoise Hardy qui a exactement l’âge de son public. C’est un énorme changement : les jeunes poussent les murs d’une société qui ne les accueille pas vraiment. Leur appétit de vivre est d’autant plus vif que la croissance bat son plein et que les Trente Glorieuses semblent promettre un avenir radieux. Mais à peine six ans plus tard, les évènements de mai 1968 ouvriront la page d’un désenchantement profond, dont il ne semble pas que nous soyons sortis.

Cette chanson n’est pas la favorite de Françoise Hardy, mais elle est longtemps restée sa marque. Avec des mots simples, d’une voix détachée dont la mélancolie frappe l’auditeur, elle évoque ces couples qui nouent des histoires d’amour et dit sa crainte de ne pas en connaître la douce ivresse. Elle les voit « la main dans la main , le cœur heureux sans peur du lendemain » et espère qu’à son tour, un jour, elle connaîtra « quelqu’un qui m’aime ». Le doute, la peur de la solitude, habitent une chanson construite sur un arpège de guitare aux accents de valse rapide. Evidemment ce n’est pas du Brassens, du Brel ou du Vian : l’horrible monde des adultes en profitera pour tirer à vue sur tout ce qui a vingt ans et chante… Pourtant, c’est sans doute par sa simplicité que ce texte a touché des millions de jeunes qui y entendaient enfin un propos à la mesure de leurs préoccupations intimes.