Quand il apparaît, les années 80 lui tendent les bras : propre, souriant et ingénu, une voix qui n’en est pas vraiment une, mais expressive tout en douceur… Rien à voir avec les prototypes usuels du rock, débardeur-chevelu-hard pour les uns, strident-chevelu-punk pour les autres. Bref Daho, ne ressemble qu’à lui-même et incarne un courant qui se fraie doucement un chemin tout d’élégance, feutré et aimable, à coup de synthétiseurs et de boîtes à rythmes. Le courant des jeunes gens modernes. Etre moderne est alors la grande affaire qui en conduira bon nombre à se perdre dans les méandres de la pose et de l’apparence, oubliant qu’en toute chose le fond compte plus que la forme, La Fontaine ne nous le disait-il pas ? Etienne a retenu la leçon : il sera sur les deux fronts. Né en 1956 à Oran, Algérie, il fait ses premières armes à Rennes, une des capitales du rock hexagonal, en regardant intensément vers Françoise Hardy, Jacques Dutronc et toute la bande des ex-yéyés, si frais et spontanés. Fils de pop, Daho le restera tout au long d’une carrière magnifique faite de discrétion et de succès marquants, dont les sonorités à la mode des années 2020 sont imprégnées.

Ah les années 80 ! Les usines ferment, les radios libres deviennent privées, TF1 aussi tandis que Canal+ renouvelle les codes et que le minitel géniale invention française vire au rose dégueulasse : c’est sûr, le cadre change. Tout le monde a voulu y croire à ce monde merveilleux de la réussite et de l’argent, même celles et ceux qui n’avaient ni l’un l’autre. Mais, t’inquiète : “La crise économique, c’est fantastique / La décadence, c’est la bonne ambiance!” chantent les Civils, un des groupes agités du moment qui profitent de l’euphorie. Des groupes il y en a plein : le rock, la pop et le rap français explosent, boostés par le ministre Jack Lang qui le premier leur accorde de l’attention. A Rennes, le festival les Transmusicales ouvre des brèches et devient ce lieu magique de l’invention musicale. A côté des ex-punk et des rockers orthodoxes se développe une scène dite des “jeunes gens modernes” dont Daho sera la plus belle réussite. Notons quand même combien nous trouvons looks et coiffures ringards… jusqu’à ce qu’ils reviennent (bientôt) à la mode !

C’est le premier vrai succès de Daho, paru juste avant son second album, La Notte, la Notte. Une mélodie imparable, sur un tempo gentiment vif soutenu par une boîte à rythme et une ligne de basse aux relents disco, ce genre flamboyant dont l’influence est alors partout palpable, qui est en train de se muer en new wave ou funk. Un saxophone solitaire apporte un peu de soul dans ce morceau à la mélancolie infinie. Encore une affaire d’amour…qui finit mal comme le chanteront un peu plus tard Les Rita Mitsouko, le duo ami signé sur le même label, Virgin qui est alors “the place to be” pour les musiciens. Mais joliment écrite : “je ne veux plus quitter mon lit, pour qu’enfin toutes les nuits durent toute la vie”. Simple mais efficace. Dans la foulée de ce Grand sommeil, surgiront d’autres irrésistibles chansons : Bleu comme toi, Week-End à Rome ou Tombé pour la France… Chansons d’amour bien sûr, pour toujours la grande faiblesse du Rennais romantique.