A côté de ce cri de désespoir de Léo Ferré, « Saturne » de Brassens passe pour un simple constat un peu amer… Retour sur une œuvre majeure de la chanson française créée par une de ses plus grandes figures.
« Brassens, Brel, Ferré : trois hommes sur la photo », photo de Jean-Pierre Leloir, 1969
Dans la fourmilière des auteurs, compositeurs et interprètes de la chanson française des années 1960-1970, Léo Ferré est resté, avec Georges Brassens et Jacques Brel, une des personnalités les plus mémorables. Né en 1916 à Monaco, ce fils d’un directeur de casino et d’une couturière d’origine italienne se frotte à la vie avant de s’essayer sérieusement à la musique pendant la Seconde Guerre mondiale. Il sera repéré par Edith Piaf et Charles Trenet. Au fil des années 1950, Ferré impose sa griffe. En 1969, la sortie de « C’est extra » atteint un nouveau public beaucoup plus large et tout spécialement les jeunes. Ferré connaîtra l’apogée de sa carrière quand paraît « Avec le temps », chanson d’une immense mélancolie, qui d’emblée fait patrimoine. Excellent compositeur et chef d’orchestre, poète d’envergure, Léo Ferré est resté comme une forte conscience de la chanson française : se réclamant de l’anarchie, rebelle à toute autorité, il avait un point de vue aiguisé sur les choses et le monde. Son influence est immense et durable.
Le 6 janvier 1969 : Jean-Pierre Leloir en pleine action !
« Trois hommes dans un salon », c’est l’histoire d’un super coup de journaliste qui s’est transformé en une image célèbre de l’histoire culturelle populaire. Nous sommes en janvier 1969. Un jeune journaliste de 24 ans du magazine Rock et Folk, François-René Cristiani, veut impressionner son rédacteur en chef en proposant la rencontre du siècle : réunir dans une interview Brel, Brassens et Ferré, véritables monstres de la chanson française. Du jamais vu ! Son boss le prend au mot et voilà Cristiani qui arrange un rendez-vous entre les trois poètes qui n’avaient jamais eu l’occasion de se rencontrer. Ce moment unique sera immortalisé par le photographe Jean-Pierre Leloir et la discussion fera la Une de Rock & Folk. Cette réunion au sommet deviendra histoire et le cliché de Jean-Pierre Leloir en est l’incroyable témoignage.
52:08
4:25
A l’inverse des chansons de Brassens, l’accompagnement musical est dense. La voix déchirée évolue sur une gamme arpentée au piano et richement orchestrée de cordes et de cuivres.
Cette chanson est terriblement sombre : au fil de ses six strophes, Léo Ferré qui a 55 ans, ressasse le passé et la jeunesse enfuie avec une pointe d’aigreur désespérante. Il passe en revue les sentiments érodés, les bonheurs fanés du quotidien, l’amour terni sans qu’il - sans qu’on - ne puisse rien y faire. Contrairement à George Brassens, dont l’amour est insensible au poids des années, Ferré semble résigné à laisser l’amour, l’envie même, petit à petit s’éloigner. Comme le dit le dernier vers : « Avec le temps on n’aime plus. »
Avec le temps Avec le temps, va, tout s'en va On oublie le visage et l'on oublie la voix Le cœur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller Chercher plus loin, faut laisser faire et c'est…