Voici la fin de ce qu’on appelle “Les 30 Glorieuses”, et l’entrée dans les cycles de crise économiques. Aux espoirs de liberté sans barrières, succède une période dure et violente. La crise économique, liée aux envolées du prix du pétrole, sévit à partir d 1873. Chômage: le mot s’installe dans le vocabulaire du quotidien et la vie des gens. Cette époque connaît de terribles mouvements sociaux, grèves longues et douloureuses, fermetures d’usines. Les villes trinquent! Sans parler même du conflit au Moyen-Orient, qui ne s’arrêteront pas de si tôt, entre terrorisme (Septembre Noir, Bande à Baader, Brigades Rouges) et répressions policières, on ne s’ennuie jamais! L’Amérique du sud subit coups d’État et dictatures: Argentine, Chili, Brésil, Bolivie… Quand n militaire prend le pouvoir, neuf fois sur dix la liberté s’éteint.
À l’Est, le régime soviétique, colosse aux pieds d’argile, tiendra encore quinze ans. Mais de Léonid Plioutch à Vaclav Havel (un fan de rock occidental, futur Président de la République tchèque), les “dissidents” dénoncent la dictature, l’enfermement, l’absence de liberté d’expression. Les jeunes européens les croient parfois, mais s’en méfient aussi.Pas facile de remettre en cause les certitudes construites sur un rêve devenu un cauchemar…
La chanson française apparaît coupée en deux.
On compte en tout et pour tout trois radios officielles et trois chaînes de télévision. Elles soutiennent des artistes bien propres, aux sourires éclatants, scintillants dans de beaux costumes. Impeccables sous le brushing Dave, Ringo, Mika Brant, C.Jérôme, Stone et surtout Claude François chantent l’amour. C’est le règne de la chanson de variété! Par contraste, les jeunes “babas cools”, barbus, chevelus, hirsutes, mal fringués, sentent la peau de chèvre et le henné.
Ignorés des médias, influencés par la pop anglo-américaine et le renouveau des idées régionalistes, de nouveaux interprètes manient l’insolence, soutiennent les mouvement politiques gauchistes, expriment sans détour leur rejet du pouvoir en place. François Béranger, Maxime Le Forestier, Renaud, Bernard Lavilliers, commencent de longues et belles carrières. Ils existent par le bouche à oreille, remplissent les salles, souvent celles des concerts politiques (Fêtes de l’Huma, du PSU, Fête Rouge…). La crise s’accentue, cette décennie palpitante et cruelle vire au glauque. La jeune génération grandit dans la frustration, la dèche, la panade. Certains se tournent vers le hard-rock, salutaire exutoire. Autour de 76 déboulent les punks, aussi craspecs, méchants, vulgaires, que les stars sont sages et bien habillées! Leur message est limpide: “nous sommes moches dans un monde laid”.