Qui n’est jamais tombé amoureux d’un personnage de roman, de film ou de série ? Ici, l’amour se confond avec le rêve quitte à ce qu’on perde un peu le Nord…
Feu! Chatterton, pochette de l’album L’Oiseleur, 2018 (Universal Music Division Caroline)
C’est l’histoire d’une bande d’amis parisiens qui, en 2011, fonde un groupe où rock, poésie et pop s’entremêlent. La poésie, ils le portent comme un étendard car les cinq garçons se réunissent sous le nom de Feu! Chatterton. L’hommage au jeune poète anglais romantique Thomas Chatterton (1752-1770) est évident, celui-ci est enterré avec à l’expression « Feu », qui signifie « décédé », puis ressuscité grâce au dynamique point d’exclamation qui l’accompagne. Emmené par Arthur Teboul à l’écriture et au chant, Feu! Chatterton assume son étrangeté, sa distance toute lettrée dans l’univers rude du rock alternatif. Avec deux albums à son actif, le groupe a conquis le cœur des critiques musicaux et de la presse, multiplie les collaborations prestigieuses. Les membres de Feu! Chatterton aiment jouer aux poseurs dandy mais continuent de surprendre l’oreille avec leur fougue. Attendons de voir ce que l’avenir leur réserve…
La Malinche, trait d’union entre Cortés et les Tlaxcaltèques. Détail d’une fresque du Palais du Gouverneur à Tlaxcala, Mexique
Feu! Chatterton chante l’amour portée à La Malinche, une figure historique du Mexique. Qui est-elle ? Si La Malinche a réellement existé, on ne sait que peu de choses sur sa vie et sa mort. Amérindienne de l’Empire Aztèque, elle est esclave des Mayas, âgée de 15 à 25 ans, quand elle fut offerte par ce peuple aux conquistadors espagnols venus conquérir l’Amérique du Sud et ses richesses. Nous sommes en 1519. Le jeune femme devient la maîtresse et la confidente du premier d’entre eux : le général Hernán Cortés. Elle serait morte en 1529, après avoir vécu dix ans avec les envahisseurs. Aujourd’hui, La Malinche est omniprésente dans la culture mexicaine, même si sa figure reste très controversée. Elle est, d’un côté, considérée comme le symbole de la trahison et de la collaboration, accusée d’avoir mené un double jeu contre son peuple pour survivre. D’autre part, elle incarne une vision d’un Mexique moderne et métissé, réunissant les cultures amérindiennes et espagnoles. Entre vérité historique et fantasme, La Malinche, comme une certaine Pocahontas, continue de nourrir notre imagination.
“La Malinche” est une chanson extraite du premier album du groupe, Ici le jour (a tout enseveli), paru en 2015. “La Malinche” est une invitation au voyage au Mexique, terre natale de ce personnage historique sulfureux. S’agit-il d’une déclaration d’amour à cette femme qui a réellement vécu au XVIème siècle ou la une métaphore de la femme désireuse et désirée des étrangers ? Ici, guitares enflammées, claviers, basse et batterie sont mêlées à des sonorités électroniques et à la voix charismatique d’Arthur Teboul. Rock ? Pop ? Electro ? Chanson française ? Impossible de poser une étiquette sur ce titre d’une originalité absolue. La transe n’est pas loin quand la voix du leader atteint son paroxysme au refrain avec ce terrible “Oh Oui”. Le riff de guitare semble chanter la gloire de la Malinche, lui aussi. Reprenant des thèmes chers aux romantiques tels le voyage, le désir et la séduction, “La Malinche” fait écho aux poèmes exotiques de Charles Baudelaire. Ici, l’amoureux transi n’est autre que l’étranger, le Parisien rêveur, rêvant de séduire la Malinche. Mais lorsqu’il reprend ses esprits, il est à Paris. “La Malinche” est une déclaration d’amour à un fantasme, une image qui fait surgir les désirs enfouis chez le rêveur voyageur.
Madame je jalouse ce vent qui vous caresse Prestement la joue Des provinces andalouses et panaméricaines Ce vent suave est si doux Madame je jalouse Madame je jalouse ce vent qui vous caresse la…