L’amour et la musique… c’est un lien qui s’étire depuis toujours, qui s’est décliné en des milliers de chansons et qui continue d’inspirer les artistes. Après avoir exploré des états d’amoureux mouvementés dans un précédent parcours, c’est le cœur battant que Mélo vous propose une nouvelle sélection de morceaux passionnels et passionnants.
On peut aimer une personne, mais aussi une ville, un pays, un endroit… L’amour a une multitude de formes et la flamboyante Joséphine Baker exprime le sien pour sa double culture : américaine et parisienne !
Portrait de Joséphine Baker
Inoubliable Joséphine Baker ! Descendante d’esclaves afro-américains, égérie du Paris des « Années Folles », première star noire au monde, résistante pendant la Seconde Guerre mondiale et bien plus encore… Née dans le Missouri aux États-Unis en 1906, Joséphine Baker travaille dès son enfance comme domestique dans les maisons de bourgeois blancs. Elle fuit cette vie triste et humiliante à l’âge de 13 ans en rejoignant une troupe de comédiens noirs pour finalement poursuivre sa route et gagner Paris en 1925. La jeune danseuse de charleston tombe amoureuse de cette ville qu’elle trouve si accueillante, si ouverte, à l’opposé de la ségrégation raciale qu’elle a subi dans son pays natal. Elle n’a pas vingt ans et n’a pas froid aux yeux. Drôle, espiègle et frondeuse, Joséphine Baker intègre la fameuse Revue Nègre (dans laquelle joue le grand clarinettiste afro-américain Sydney Bechet), devient l’égérie des artistes et intellectuels et introduit un style moderne et féminin qui fait fureur. Immense figure du Paris des « Années Folles», Joséphine Baker acquière la nationalité française en 1937. N’hésitant pas sur scène à jouer avec les symboles ambigus et les fantasmes de la France coloniale, Joséphine Baker n’en est pas moins une militante. Dès 1939, elle met sa célébrité au service de la Résistance française (elle cachera par exemple des informations top secrètes dans ses partitions de musique). Après la guerre, c’est dans la lutte pour les droits civiques des noirs américains aux côtés de Martin Luther King qu’elle s’engage. Avec son culot et sa force de vie, Joséphine Baker a décidément marqué la grande et petite Histoire. Pas étonnant que l’autrice de BD Pénélope Bagieu en dresse un portrait détonnant dans Culottées son album dédiée « Aux femmes qui font que ce qu’elles veulent » sorti en 2016 !
Bebop en cave, Saint Germain des Prés, photo de Robert Doisneau, années 1950.
En France et à Paris, de la fin de la Première Guerre mondiale, en 1918, au krach boursier de 1929, ce sont « Les Années Folles », années insouciantes de la paix retrouvée aux accents du jazz arrivé avec les soldats américains. Dadaïsme, cubisme, surréalisme sont les mouvements artistiques à la mode, de quoi impressionner la jeune Joséphine Baker tout juste arrivée dans la capitale. Avec ses cohortes de peintres, de romanciers, de poètes, de photographes, de musiciens, sculpteurs, danseurs, cinéastes venus de partout, Paris bouillonne, Paris est une fête ! Mais pas pour tous… En effet, si les artistes Afro-Américains, comme Joséphine Baker ou le trompettiste jazz Sidney Bechet, sont accueillis avec sympathie, bienveillance et curiosité dans les quartiers de Montmartre ou de Saint Germain, la grande majorité des Français ont un regard souvent ignorant et raciste vis-à-vis des populations noires ou de couleur. La preuve ? L’Exposition coloniale internationale de 1931 à la Porte Dorée, dont le slogan est « Le tour du monde en un jour », exhibe les richesses de la puissance coloniale française (Afrique, Indochine, DOM-TOM…) et humilie les « indigènes » dans d’ignobles zoos humains.
Écrite pour Joséphine Baker par Géo Koger et Henri Varna, deux grands paroliers du music-hall, cette chanson dit l’émotion de quitter son pays pour les rives d’une cité enchantée, Paris la grande, Paris la belle, Paris qui ensorcelle ! Mais on sent un léger pincement au cœur car partir n’est jamais simple ! Et c’est non sans arrières pensées : Paris est alors le centre d’un empire colonial et l’évocation de la savane dans le texte dessine un stéréotype bien conforme aux préjugés sur le « nègre » ou le « sauvage », comme on le disait alors. La musique est composée par Vincent Scotto prolifique et célèbre compositeur marseillais d’opérettes. L’enregistrement des années 1930 fait grésiller la voix soprano de Joséphine Baker accompagnée d’un orchestre de music-hall où les cordes se mêlent au piano et à la clarinette. Sur une mélodie langoureuse, l’accent américain renforce la tonalité exotique du morceau qui prend des allures comiques lorsque pointent dans la voix de Joséphine Baker la gouaille et le roulement de « r » typiquement parisien. Cette chanson connut un tel succès qu’elle se classe aujourd’hui au rang de classique.
On dit qu'au-delà des mers Là-bas sous le ciel clair Il existe une cité Au séjour enchanté Et sous les grands arbres noirs Chaque soir Vers elle s'en va tout mon espoir J'ai deux amours Mon…