Le blues malien ensorcelle toute l’Europe dans les années 1980. Derrière les doigts magiques d’Ali Farka Touré, blues et musique malienne s’enlacent comme s’ils s’étaient enfin retrouvés.
Portrait d’Ali Farka Touré, via Wiki Commons
Ali Farka Touré est né en 1939 au Mali et a vécu jusqu’à la fin de sa vie à Niafunké (près de Tombouctou). Il a toujours conservé un lien fort avec sa terre d’origine et son pays, il se présentait d’ailleurs comme “artiste cultivateur”. Ce roi du blues malien maîtrise la guitare et le chant aussi bien que le travail de la terre. La musique n’était pas une tradition dans sa famille, mais à 10 ans il va se passionner pour les instruments de tradition sahélienne avant de s’adonner à la guitare. Dans les années 1950, il traverse le Mali et y recueille, avec son petit magnétophone, la diversité des expressions musicales. Et dix ans plus tard, alors que le Mali fête son indépendance et qu’Ali Farka Touré devient musicien professionnel au sein de la “Troupe 117”, il voyage et découvre le blues aux États-Unis. C’est pour lui une révélation : cette musique si lointaine porte les traces de ce qu’il a collecté ici, au Mali. La rencontre du Mali traditionnel et ondoyant et du blues nostalgique et spirituel habitera sa musique et sa carrière solo entamée en 1976. Il est alors acclamé dans le monde entier. Le succès et les prix (Grammy Award en 1993) ne l’éloigneront pas du Mali et de Niafunké, dont il est le maire très attaché à des projets de développement agricole. Il décède en 2006 à 67 ans des suites d’une longue maladie, un mois après avoir remporté un Grammy Award pour son album In The Heart of the Moon.
Ville de Niafunké dans les années 2010, via le site www.malijet.com
Lorsque Ali Farka Touré entend pour la première fois le blues de Johnny Lee Hooker, ce grand bluesman afro-américain, il est persuadé que c’est une musique du Mali. Il est très surpris d’apprendre que ce qu’il entend vient d’Amérique. Les liens entre la musique d’Ali Farka Touré et le blues sont puissants : celui-ci tire ses racines de l’Afrique de l’Ouest, tradition orale emmenée par les esclaves déportés au Sud des États-Unis. Dans le contexte culturel et social des États-Unis ces formes musicales traditionnelles ont fait naître le blues. Ainsi, en dépit de leurs nombreuses différences, on trouve des caractéristiques musicales communes aux deux formes musicales, notamment des constructions tonales et des gammes pentatoniques, composées de cinq intervalles de quintes. Ali Farka Touré en tirera son fameux blues malien.
“Je ne sais ni lire ni écrire mais j’ai ma foi, mon cœur et mes doigts”.
“Ai Du”, c’est la poésie bienveillante d’Ali Farka Touré portée par ses immenses mains calleuses mais fluides sur la guitare. Sa voix ensorcelante implore la confiance et la rencontre. L’album Talking Timbuktu est une rencontre avec le guitariste californien Ry Cooder, bluesman et rocker curieux, découvreur du Buena Vista Social Club à Cuba. Il apporte une touche blues, en slide guitar, technique empruntée à Muddy Waters (un petit tube en métal, ou goulot de bouteille placé sur le majeur et glisse sur les cordes et produit un son…glissant). “Ai Du” c’est aussi l’identité d’Ali Farka Touré : sa maison à Niafunké, où il compose la chanson, sa guitare, les sons des instruments traditionnels et son violon plaintif, le njarka.
Aie confiance et crois en ton prochain, l’homme n’a pas d’égal Si tu as fait l’expérience de la confiance tu connais ses forces Connais-toi toi-même avant de connaître les autres Source :…