Gnawa Diffusion, groupe fondé en 1992 à Grenoble et emmené par Amazigh Kateb, fils de l’écrivain algérien Yacine Kateb, fait résonner haut et fort la fierté du métissage et du pouvoir contestataire des traditions musicales dont ils s’inspirent.
Gnawa, comme ces peuples d’Afrique subsaharienne réduits en esclavage et déportés en Afrique du Nord, s’étant convertis à l’islam mais gardant vives les croyances et traditions originelles : c’est cet héritage que le groupe revendique – entre lutte pour la reconnaissance d’identités discriminées et fusion d’inspirations diverses.
Avec des textes chantés en français, arabe et anglais, et des musiques issues des traditions berbères, kabyles, gnawis, du rock, du chaâbi, du raï, du reggae ou du jazz, Gnawa Diffusion franchit joyeusement les frontières. Instruments traditionnels d’Afrique du Nord, mélodies et rythmes entrainants, textes engagés : leur originalité rencontre dès la fin des années 1990 un grand succès sur la scène française, mais aussi à l’étranger, en Europe et en Afrique du Nord.
Après une pause d’une dizaine d’années, le groupe repart en tournée en 2019-2020, retrouvant son public. L’occasion pour son leader de clamer son soutien à la révolution en cours en Algérie.
Il prépare à l’heure actuelle un nouvel album, toujours porté par la même volonté de faire entendre les voix multiples de l’insoumission.
Gnawa Diffusion
Refrain Je voudrais être un fauteuil Dans un salon de coiffure pour dames Pour que les fesses des belles âmes S'écrasent contre mon orgueil Je'aimerais être un parfum Juste pour me faire…
« Ombre elle », comme un écho lointain à Brel (« laisse-moi devenir l’ombre de ton ombre, l’ombre de ta main, l’ombre de ton chien… ») ou à Proust (A l’ombre des jeunes filles en fleurs). Il est bien question en effet d’effacement de soi, d’admiration pour une femme, de désir…
Mais « ombre elle », aussi, comme un jeu de mot, une pirouette, qui révèle la légèreté du propos : on est très loin du drame de « Ne me quitte pas » ou des méandres amoureux proustiens. Sur un rythme de danse et des sonorités typiques des instruments de Gnawa Diffusion (guembri, derbouka…), le chanteur et parolier Amazigh Kateb s’imagine en effet tour à tour devenu fauteuil de salon de coiffure, parfum, peigne, ceinture… s’offrant ainsi accès privilégié à l’intimité du corps féminin. Les paroles, tout en métaphores et comparaisons savoureuses, sont empreintes d’une sensualité subtile et élégante. Mais l’homme ici ne veut pas avoir « mainmise » sur ces « belles âmes » qu’il célèbre. Tel Zeus il se métamorphose, mais il ne cherche pas à conquérir. Il reconnaît avec modestie que « pour percer (leurs) secrets » il lui « faudrait être un monde » et rêve de voir son « orgueil » écrasé par les séants fantasmés qui ouvrent et concluent le morceau.
A l’ombre des femmes donc, au gré d’un désir léger et joyeux.