Gainsbourg compose « Initials BB » entre Paris et Londres dès 1967 alors qu’il vient de rompre avec Brigitte Bardot à qui est dédiée cette chanson. Leur relation passionnelle prend fin peu de temps après son début lorsque Brigitte Bardot, partagée entre Serge Gainsbourg et son époux Gunther Sachs, décide de rester auprès de ce dernier et part sur le tournage du film « Shalako ». Affecté par cette rupture, Gainsbourg se consacre consciencieusement à l’écriture de cette chanson qui, sans en mentionner explicitement le nom, rend hommage à celle qu’il regrette. « Almeria », le dernier mot du texte, rappelle dans un souffle le lieu de rupture des amants.
A Londres, il retrouve le chef d’orchestre et arrangeur britannique Arthur Greenslade, avec qui il collaborera à plusieurs reprises, pour l’enregistrement du morceau aux Chapel Studios. Avec lui, il reprend une œuvre du répertoire classique composée par Anton Dvorak, la « Symphonie du Nouveau Monde », pour accompagner le refrain de la chanson. La création de « Initials BB » a été filmée par le réalisateur Yves Lefebvre qui a mis en scène les étapes de l’élaboration de l’œuvre. Ce court-métrage n’est sorti qu’après le décès du chanteur en 1991.
La pochette de l'album Initials B.B.
Serge Gainsbourg accompagne ces paroles d’une reprise du 1er mouvement de la 9e symphonie d’Anton Dvorak, la « Symphonie du Nouveau Monde ». La musique commence par un riff fait au piano, c’est-à-dire la répétition d’une phrase musicale très courte, ici réduite à deux accords. Piano et batterie font ensuite place à la mélodie inspirée de la Symphonie de Dvorak qui retentit à chaque refrain. Cette mélodie est alors interprétée par l’orchestre seul. Le retentissement des cuivres évoque une marche triomphale qui annonce la figure d’imperator, ce grand général romain victorieux incarné par Bardot dans le second couplet. Le riff reprend ensuite à chaque couplet, accompagné cette fois par les cordes de l’orchestre comme pour indiquer que la vision du chanteur se poursuit (« dans l’eau de Seltz »).
Gainsbourg baigne dans la musique classique depuis son enfance ; il prend des cours de piano et d’harmonie à l’Ecole normal supérieur de musique Alfred Cortot. Cette source d’inspiration ne le quittera pas. Il composa de nombreux morceaux inspirés de ce répertoire et parmi eux l’on compte notamment « Jane B » (d’après le Prélude n°4 de Chopin), « Baby Alone In Babylone » (inspirée de la 3e symphonie de Brahms) ou encore « Poupée de cire, poupée de son » (d’après la Sonate pour piano n°1 de Beethoven).
Initials BB reflète les inspirations tant littéraires que musicales de Gainsbourg dans une chanson empreinte de sensualité et de mélancolie. Le chanteur décrit en filigrane la femme qui l’obsède encore depuis sa rupture. Il dessine un univers véritablement onirique en faisant appel à nos sens. Les reflets dorés et argentés du métal rejoignent les effluves de parfum et les cliquetis des bracelets. L’évocation du calice, ce vase sacré et précieux utilisé lors des célébrations religieuses, suggère la vénération que porte Gainsbourg envers Bardot. Elle semble se mouvoir devant nous comme une danseuse orientale. A nous d’être envoutés ! Comme pour rappeler la cause de leur rupture, le chanteur associe l’anneau qui lie Bardot à son époux à une marque d’esclavage qui restreint la liberté des amants. Gainsbourg tel un poète fait un clin d’œil aux vers de l’écrivain américain Edgar Allan Poe tiré de son poème « Le Corbeau ». Ce dernier débute de manière semblable à la chanson : Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais […]. Une référence littéraire qui en accompagne une seconde, celle du roman L’amour monstre de Louis Pauwels que Brigitte Bardot affectionnait particulièrement ; elle en avait même conseillé la lecture à Gainsbourg.
Une nuit que j’étais A me morfondre Dans quelque pub anglais Du cœur de Londres Parcourant l’Amour Monstre de Pauwels Me vint une vision Dans l’eau de Seltz The Initials The Initials The…