La pochette de l'album Où je vis
Ce n’est pas une époque de rêve : guerre et terrorisme n’en finissent pas de pourrir l’atmosphère. Génocide au Rwanda, crimes de guerre en ex-Yougoslavie c’est à se demander ce qu’ont les hommes à tant aimer la mort ! Moment d’allégresse et de démesure collective : la France se prépare à accueillir la coupe du monde de football et à la gagner. Le téléphone mobile est en passe de devenir notre nouvelle obsession. Pendant ce temps là, Internet tisse sa toile et on se demande comment on faisait avant.
Geoffroy Mussard, dit Shurik’n, est né en 1966 à Marseille, de parents malgache et réunionnais. Ce fin connaisseur des cultures asiatiques est avec Akhenaton, le MC (celui qui tient le micro) du groupe IAM fondé au début des années 90. IAM ou « Imperial Asiatic Men » a écrit avec les dionysiens de NTM de belles pages de l’histoire du rap en France. Shurik’n signe en parallèle un album solo « Où je vis », devenu double disque d’or et un classique du rap. Aujourd’hui quadragénaire, il poursuit sa carrière avec IAM mais a aussi tout récemment signé son second disque « Tous m’appellent Shu », en référence à cet « Oncle Shu » issu de son premier album.
Shurik'n
Dès l’introduction, nous sommes plongés dans une atmosphère nippone digne d’un film de samouraï. Le vent souffle, un joueur de shakuhachi (flute japonaise) accompagne le lever du jour. Sa douce mélodie néanmoins inquiétante sonne comme une alerte, le koto (harpe japonaise) renchérit, le gong sonne. Le combat est lancé ! Un « kiai » (cri de bataille) à la Bruce Lee, un sample issu de « Platoon » d’Oliver Stone, film sur la guerre au Vietnam, sorti en 1986. Le flow sombre et monocorde de Shurik’n s’accorde parfaitement à la gamme mineure.
Le shuriken est une discipline des arts martiaux dont Shurik’n est adepte, comme beaucoup de gosses des quartiers populaires qui ont craqué sur Bruce Lee et les philosophies orientales. Ici, il incarne un samouraï des mots, un guerrier dont le sabre serait une plume. Face à un rap commercial à ses yeux corrompu, il mène avec droiture le combat d’un rap authentique. De nombreux mots issus du vocabulaire des arts martiaux émaillent le texte, un langage d’initiés au second degré qui lui confère l’aspect mystérieux souhaité par son auteur. La métaphore du combat loyal est employée pour marquer les esprits, car pour Shurik’n, dit l’Oncle Shu, le rap est une discipline noble, tout comme les arts martiaux.
J'ai brûlé l'encens sacré, dans l'secret développé mon ki Fait offrande à Hachiman, salué trois fois mes armoiries Les sens aiguisés, grisé, excitation maitrisée Trois verres de Saké me changent…