La pochette de l'album Pays sauvage
Barack Obama est le premier afro-américain président des Etats-Unis. C’est de là qu’est partie en 2008 la crise financière qui se répand dans le monde. La France et l’Europe trouvent des milliards pour renflouer les banques qui depuis se portent bien, merci. La vague de froid frappe durement les SDF. Popularisé par Danyèl Waro dans le festival Africolor, le maloya a la cote : la musique des opprimés prend un relief particulier quand la France perd le sens de l’hospitalité et met au ban les étrangers et ceux qui sont différents. Dans le sillon de la Guadeloupe, la Réunion et la Martinique connaissent une vague de grèves sans précédent. La chanson française perd une de ses voix les plus passionnantes : Alain Bashung est emporté par la maladie.
Nul besoin d’être franco-française pour faire chanter la langue de Molière à la perfection. D’origine anglaise par sa mère, Emily Loizeau, née en 1975, grandit dans un foyer bilingue. Très tôt encouragée à suivre ses penchants artistiques, Emily touche à la musique, et commence le piano dès ses cinq ans. Elle étudie ensuite également le violon et la contrebasse. De la musique classique, elle glisse progressivement vers la chanson française, et devient auteure-compositrice-interprète de ses propres titres. A la veille de la trentaine, en 2004, elle signe chez Sony et enchaîne les premières parties de grands noms : Tryo, Patricia Kaas… Deux ans plus tard, elle sort son premier album L’Autre Bout du monde. C’est avec cet album qu’elle tourne à travers la France pour plus de 200 dates, puis à l’international, avec des musiciens talentueux. Depuis, l’artiste prolifique a sorti huit albums, collaboré avec de nombreux artistes et réalisé la BO du film King Guillaume. En 2021, elle sort son nouvel album, Icare, et le titre « Le poids de l’existence » qui continue de la poser en digne héritière de la tradition de la chanson française.
Avec brio, elle jongle entre anglais et français, conciliant ses deux cultures. Influencée tout autant par Schubert et Bach que par Renaud, elle touche avec une voix, fragile, surprenante et singulière. Conteuse d’histoires posées sur une instrumentation acoustique authentique, Emily Loizeau a, c’est certain, encore plein de mots dans sa besace.
Emily Loizeau
Danyèl Waro
Danyèl Waro (Daniel Hoareau à l’état-civil) est autant chanteur que musicien, poète et militant. Personnalité très investie dans les combats pour la paix et la justice sociale, reconnaissable à sa chevelure endiablée, ce Réunionnais est parvenu en quelques albums à renouveler le maloya et à en permettre la reconnaissance en métropole.
Né en 1955 au Tampon dans une famille modeste, c’est par les disques de sa sœur qu’il découvre Georges Brassens et le soin des mots, son premier coup de foudre musical. Le second survient en 1970 lors du concert de Firmin Viry, un des pionniers du maloya. Le jeune Danyèl en sera plus tard l’apprenti. Comme tous les Réunionnais de sa génération, Danyèl Waro n’avait jusqu’alors que très rarement écouté du maloya ; cette musique aux racines africaines, malgaches et indiennes, avait pratiquement disparu. Officieusement interdit, il ne survivait que dans quelques familles avant d’être sauvé par le Parti communiste réunionnais (PCR) alors très populaire sur l’île. Cette musique traditionnelle héritée de l’esclavage devient le symbole des revendications identitaires. Sensibilisé à ce combat politique par son père, fervent militant communiste, Danyèl Waro voit en cette musique un outil de revendication contre le pouvoir métropolitain. Lui, le « petit Blanc des hauts », décide d’adopter ce blues de l’océan Indien. Sa jeunesse se poursuit sous le signe de la révolte. Il fera deux ans de prison pour insoumission, après avoir refusé de porter l’uniforme durant son service militaire en Hexagone. C’est là qu’il écrit ses premiers textes en créole, publiés en 1979 sous le titre de Romans ékri dan la zol an frans (Roman écrit en prison en France).
De retour à La Réunion, il se lance dans une carrière de musicien avec la Troup Flanboiyan aux côtés de son frère Gaston. Rebelle toujours, il prend peu à peu des distances avec le PCR, mais ne tait pas ses convictions opinions autonomistes et antimilitaristes, tout en perfectionnant son maloya auprès de Zisakakan et du doyen, Lo Rwa Kaf. Devenu lui-même une des grandes voix de la scène réunionnaise, ainsi qu’un des meilleurs luthiers de La Réunion (il construit ses instruments lui-même), Danyèl Waro poursuit une carrière qui le mènera aussi bien dans en métropole, invité notamment par le festival Africolor, qu’à l’étranger, en tournée en Europe, au Japon, en Inde ou au Mozambique.
Très engagé dans le combat pour la pratique et la reconnaissance du créole à La Réunion, le poète du maloya chante les luttes, les cultures et le métissage de la société réunionnaise. En 1994, son deuxième album intitulé Batarsité est un manifeste pour le mélange des cultures africaines, malgaches, indiennes et européennes dans le creuset de La Réunion. On espère que Danyèl Waro continuera encore longtemps à faire sonner le maloya comme personne !
Étonnante et très réussie cette rencontre d’une chanteuse tournée vers le folk à l’américaine et le maître de la chanson de l’Ile de la Réunion, prince du maloya. Le début de la chanson est léger avec le kayamb qui sonne comme une douce pluie. Après deux notes de guitare, s’entrelacent la voix émouvante de Loizeau et celle, chantante, de Waro. Les percussions sont douces mais se déploient dans un final très dansant. Le Maloya est une complainte mêlée de souffrance, de haine et d’espoir, le blues de la Réunion en somme. Cette musique traditionnelle originellement chantée par les esclaves devient peu à peu un moyen d’expression de revendications identitaires. Plus qu’une musique, il s’agit d’un chant de douleur et de résistance. A l’époque des colons, elle était considérée comme un divertissement. Encore au début des années 60, le maloya était interdit de peur d’une contagion de ses propos contestataires.
Voici une bien émouvante complainte sur un amour enfui. Une balade aux ingrédients traditionnels : l’amour perdu, parti, l’infinie tristesse d’une jeune fille. On la devine, éplorée, faire part de son malheur à un confident qui, doucement, l’invite à exorciser son malheur au son du maloya et des percussions dans un boukané, un petit restaurant; fréquenté par les réunionnais le 20 décembre, jour anniversaire de la suppression de l’esclavage sur l’Ile de la Réunion. Le contraste des deux propos, la magnifique superposition de deux vois très expressives produisent une profonde mélancolie que vient bousculer la fin endiablée du morceau, invitation à la danse, sans doute pour oublier le chagrin et s’offrir de nouveau à la vie.
Mes roses pâlissent Mes yeux se plissent Il pleut depuis décembre Et j'ai tant pleuré Mon fiancé Que mes joues sont fanées Mais dis-moi que toi tu ne pleures pas Car chaque jour qui s'en…