“T’as beau être pas beau, monde cinglé
J’t’ai dans la peau et j’taime, t’aime, t’aime…”
En deux phrases, tout est résumé ! Merci donc à Louis Chedid, brillant metteur en rimes et par ailleurs papa du jeune -M-. Oui, pour quelques millénaires encore, avant que les technologies nous permettent d’aller semer la même pagaille en d’autres galaxies, le Monde, c’est ainsi, demeure notre cour de récréation, notre stade, notre demeure, notre village, notre champ de batailles… Et ce jardin secret où s’épanouissent avec des bonheurs variables nos petits mondes intimes, intérieurs, nos rêves, fantasmes et ambitions indicibles.
Le Monde : tout ce qui nous bouleverse, nous heurte, nous passionne, nous scandalise, nous interpelle, nous désarçonne. Mais parlons-nous du Monde tel qu’il est ? Ou tel que nous le
voudrions ? N’est-il pas, d’abord et avant tout, mon petit univers à moi ? «S’enfuir dans un village, pour en faire le centre du monde… » proposait Jules Renard, qui savait tout de l’homme et de ses faiblesses.
MERVEILLES OU ENFER ?
Le Monde offre parfois des moments de grâce et de bonheur ; un soir de fête à deux, ou deux cent mille, on se regarde comme frères et sœurs, ou comme des amoureux ; seuls au monde ou rassemblés avec des milliers d’autres par une passion commune : sport, conviction, musique. Un simple mot le décrit alors : merveilleux.
Il y a aussi tous ces ailleurs, qui convoquent pour les yeux des touristes éblouis des spectacles somptueux donnant aux cartes postales de vraies allures de paradis : couchers de soleil mirifiques, cascades vertigineuses, luxuriantes forêts tropicales. Dans ces paysages-là n’apparaît jamais la misère humaine. Mais demandez au photographe de faire un demi-tour sur lui-même… Et vous verriez soudain les bidonvilles à la misère crasse, les mômes dépenaillés tendant la main, les maladies qu’ailleurs on sait soigner mais qui laissent ici les familles écrasées sous un deuil permanent. Tant de pays visités chaque soir à la télé, quand La Mort s’invite à nos tables. Voici les interminables chroniques de l’injustice, des guerres et pouvoirs, des combats pour la liberté, quand chacun, en son âme et conscience, croit discerner précisément où se situent le Bien et le Mal. Éternelle question, en son temps résolue par le philosophe Jean-Paul Sartre : «L’enfer, c’est les autres »…
RÉEL OU VIRTUEL?
Le monde est donc tout cela : ce qui nous enivre et nous donne la joie de vivre, l’envie de nous battre, donner notre avis et le faire partager. Pour transformer, rectifier, améliorer, tout ce qui peut ou devrait l’être. Sauf qu’il s’agit aussi, parfois, de profiter, d’empocher, d’arnaquer, rouler, niquer notre voisin, notre prochain, nos contemporains. Car le monde n’est rien d’autre que ce que les hommes en font. Comme pile et face sur nos pièces d’un euro, le meilleur et le pire y sont toujours liés.
À moins que… semblable à l’univers virtuel du film Matrix, il ne soit qu’une gigantesque tromperie cybernétique ? Inventé pour nous leurrer par des machines, qui construiraient ainsi l’illusion de notre liberté ? La vérité est-elle si différente ? Quand s’entrechoquent nos rêves, nos espoirs, nos révoltes et le permanent spectacle de la réalité, qu’est ce qui est vrai ?Juste ? Bon ?
Nous vivons dans un Monde fait d’ici et d’innombrables ailleurs… Où tout le monde est à la fois “de chez lui” et “de chez les autres”. De nos jours, grâce aux moyens de communication, les populations du monde entier s’invitent et s’installent dans le monde entier. Tout simplement parce qu’ici leur donne un peu d’espoir et d’autres avenirs possibles… Tous, nous sommes donc d’ici et d’ailleurs. Et ainsi, désormais, chez moi c’est partout. Et tant pis pour les frileux, les grincheux, les arc-boutés sur des temps anciens qui, quoi qu’ils pensent, ne reviendront pas.
«Le mot frontière est un mot borgne,
L’homme a deux yeux pour voir le monde »
annonçait voilà des années le poète Paul Eluard…
LE POÈTE A TOUJOURS RAISON…
D’ailleurs, puisque nous y sommes ! Artiste, écrivain, rappeur, chanteur d’hier ou aujourd’hui : qui mieux que le poète sait dire cette infinie complexité de nos petits univers ? Voilà des siècles qu’il y trouve d’inépuisables sources d’inspirations ! L’artiste a le regard juste et précis, et cette connaissance subtile, infinie parfois, de l’homme, de ses faiblesses, de ses secrets. Ses mots souvent décrivent nos vies comme nous les ressentions…
Certains le font juste pour l’argent. D’autres ont cet intense besoin de crier leur désespoir ou leur incompréhension, mais sans croire un instant qu’ils pourraient modifier quoi que ce soit. D’autres le font pour changer le monde.
Illusoire, disent les sceptiques ! Une chanson, un texte, un écrit ne peuvent rien contre l’irrésistible «marche en avant » du temps, des puissants, ou de l’argent.
« Les personnes qui ne donnent pas une seule chance à la musique de changer le monde sont celles qui n’aiment pas la musique », rétorque le chanteur Ben Harper, certain que les artistes ont non seulement leur mot à dire, mais aussi leur rôle à jouer, pour que demain soit un peu mieux qu’aujourd’hui.
Pour ce parcours, Zebrock a choisi 24 titres écrits entre les années 50 et 2000. Le choix fut difficile. La chanson française offre tellement de talents.
Un Monde meilleur
ANNÉES 50 & 60
Dario Moreno - Si tu vas à Rio (1958)
Léo Ferré - L’affiche rouge (1959)
Enrico Macias - L’île du Rhône (1963)
Barbara - Gottingen (1965)
Claude Nougaro - Bidonville (1966)
Serge Reggiani - La java des bombes atomiques (1967)
Charles Aznavour - Emmenez-moi (1967)
Jean Ferrat - Ma France (1969)
ANNÉES 70 & 80
Pierre Perret - Lily (1978)
Renaud - Chanson pour Pierrot (1979)
Maxime Le Forestier - Les jours meilleurs (1983)
Téléphone - Un autre monde (1984)
Carte de séjour - Douce France (1986)
Sapho - La petite fille veut le monde (1987)
Chihuahua - ! (1989)
ANNÉES 90 & 2000
NTM - Le Monde de demain (1990)
Alain Souchon - Foule sentimentale (1993)
Noir Désir - L’homme pressé (1996)
-M- -Monde virtuel (1999)
Jeanne Cherhal - Un trait danger (2002)
Tiken Jah Fakoly - Françafrique (2002)
Mickey 3D - Respire (2002)
Le Maximum Kouette - Machine World (2002)