Timide et sans le sou, Ferré débute dans les années cinquante, fou de poésie et de symphonie classique. Insatiable créateur, tous les styles musicaux l’inspireront : tango, jazz, mélodies populaires, rock. À mesure que grandit sa notoriété, il en use pour parler plus fort : il « cause et il gueule, comme un chien ». Passé maître en écriture et interprétation de chansons majeures, Léo s’impose comme la grande influence de la génération de 68. Il invente une branche majeure de la pop française, une sorte de free pop proche du free jazz, dirige de grands orchestres, écrit de longs poèmes épiques et des chansons éternelles (“Avec le temps”, “Ni Dieu ni maître”) avant de disparaître en 1993 à 77 ans.
Léo Ferré (3)
Vous n'avez réclamé la gloire ni les larmes Ni l'orgue ni la prièr' aux agonisants Onze ans déjà que cela passe vit' onz' ans Vous vous étiez servis simplement de vos armes La mort n'éblouit pas…
L’arménien Manouchian et ses camarades sont tombés au peloton d’exécution. Résistants communistes de la MOI, qui regroupait les militants étrangers réfugiés, ils n’étaient pas Français, mais mouraient pour la France…c’est à dire pour la Liberté et pour que les autres, tous les autres, gardent le droit de vivre. En 1955, le poète lui aussi résistant, Louis Aragon, fait de la dernière lettre de Missak Manouchian à sa femme, un poème à la portée universelle, sous le titre Strophes pour se souvenir. Cette oraison funèbre posthume est notamment remarquable par ce vers admirable « je meurs sans haine en moi pour le peuple allemand ». Ferré gratifie ce poème bouleversant d’une musique qui ne l’est pas moins. Maintes fois reprise, la chanson est aujourd’hui un classique de la chanson française.