Pianiste de bar, avant-gardiste par nature, séducteur sous nicotine, démiurge démoniaque, poète décoiffé, peintre élégant, rimeur débraillé, esthète titubant, bretteur cultivé, réalisateur, exhibitionniste pudique, recycleur de tendances, provoc’acteur, mégalo mélo-maniaque, publicitaire, visionnaire, flambeur de bifton de 500 balles pour l’audiovisuelle éternité, père spirituel pour au moins dix générations d’artistes présents et à venir, frenchy number ouane de l’autre côté du Channel, ci-gît Gainsbourg et son double Gainsbarre. Quand l’un se bourre l’autre se barre.
Serge Gainsbourg (2)
Allons enfant de la patrie Le jour de gloire est arrivé Contre nous de la tyrannie L'étendard sanglant est levé Aux armes et cætera Aux armes et cætera Aux armes et cætera Aux armes et…
La fin des années 70 marque un tournant : les rêves de changement ont tourné court avec le cri désespéré des punks, « No future » et la fermeture des mines et des hauts fourneaux. Russes et américains réchauffent la guerre froide et on est à deux doigts de la guerre des étoiles, la vraie… Mais certains progrès de la science et de la médecine rendent optimiste. Cependant, on commence à penser que la chic planète ne tiendra pas le choc, la nature est trop maltraitée. Tristesse nationale : la mort de Claude François en 1978 plonge ses fans dans le désarroi et la variété perd un de ses meilleurs représentants. Mais dans les clubs, le disco est à son apogée, la new wave anglaise arrive et avec « Rapper’s Delight » le rap fait ses premiers pas.
Fallait voir les paras menaçant, gesticulant, hurlant qu’on avait souillé l’hymne national, humilié le drapeau, piétiné les valeurs ancestrales qui… Bref, « il » venait d’oser la Marseillaise en reggae, et puis d’abord, Gainsbourg, était-ce vraiment français, comme nom ? Ainsi allait le monde à l’époque du Beau Serge, toujours prêt à planter son dard au cul des conformismes : 69 année érotique, Je t’aime moi non plus… Et ce simple « et cætera », peut-être la plus audacieuse banderille du lot. Elle signifiait en somme, arrêtez tout ce bla bla, les appels à la guerre. La Marseillaise est un hymne universel, il appartient à tout le monde, et jusqu’aux Rastas…
La pochette de l'album Aux armes et caetera
Cette chanson fut enregistrée à Kingston, avec les meilleurs musiciens jamaïcains dont les choristes de Bob Marley. Basse ronflante, guitare, batterie, sont les ingrédients du reggae, la musique métissée par excellence. Une musique universelle ! La voix sulfureuse de Gainsbourg et la nonchalance du tempo donnent tout son piment à cette version. L’album devient disque de platine (plus de 400 000 exemplaires vendus) quelques mois après sa parution.