Zebrock vous invite « dans ma chambre » à travers vingt chansons. Dans chacune d’elles, le chanteur ou la chanteuse lève un coin du voile qui protège son intimité et se livre à nous. D’une chanson à l’autre, on retrouve parfois le même thème et c’est amusant de les comparer. Ensemble, découvrons ces chansons, allons à travers elles à la recherche de la sensibilité de l’artiste, comprenons ce que le regard de chacun de ces chanteurs peut avoir de personnel, d’original, de surprenant ou d’attendrissant. Les sentiments profonds, les pensées intimes, les voyages amoureux… sur ce thème, mille chansons furent écrites. Mille autres sont à inventer. Pourquoi pas la vôtre? Comme le suggérait François Béranger, « que chacun prenne sa guitare, et fasse sa propre chanson ! ». En attendant, découvrons donc celles-là.
Dans ma chambre
Yvette Giraud - La chambre (1947)
Diam’s - Jeune demoiselle (2006)
Henri Tachan - L’adolescence (1975)
France Gall - Si maman si (1977)
Jacqueline Taïeb - 7 heures du matin (1967)
La compagnie Créole - Ma première biguine partie (1987)
Barbara - Dis, quand reviendras-tu? (1962)
Mano Negra - Passe assez de toi (1989)
François Béranger - Natacha (1970)
Alain Bashung - Aucun express (1998)
Minhel Jonasz - Les vacances au bord de la mer (1975)
Les Négresses Vertes - Famillle heureuse (1991)
Bénabar - Quatre murs et un toit (2005)
Thomas Fersen - L’escalier (1995)
Julien Clerc - La fille de la vérande (1971)
Clarika - Joker (2005)
Natacha Atlas - Mon amie rose (1998)
Les Elles - Quand je s’rais vieille (1995)
Jane Birkin & Mickey 3D - Je m’appelle Jane (2004)
JoeyStarr - Métèque (2006)
Une chanson c’est des mots et des notes, des textes et des musiques, des paroles et des sons. Nous accordons toujours une grande importance aux mots: «j’aime bien ce qu’il dit », «elle me fait rêver», «j’apprécie sa poésie», «je suis d’accord avec ses idées «ou «ça raconte n’importe quoi». Cependant, c’est toujours par la musique qu’une chanson nous pénètre. Ça passe d’abord par l’oreille. Nos oreilles sont de fameux indicateurs auxquels nous pouvons faire confiance. La couleur, l’ambiance nous sont indiquées par celles-ci et les milliers de souvenirs sonores qu’elles ont emmagasinés depuis notre naissance. Entre les deux oreilles, le cerveau stocke, répertorie et analyse ces sensations et nous propose des pistes quand nous écoutons de la musique. Une guitare saturée, le scratch du DJ ou le placement d’un son de clochettes, comme la façon de chanter ou de glisser des violons nous suggèrent tout de suite une impression.
Et c’est souvent la bonne! Une déclaration d’amour s’accompagnera d’une nappe de violons ou de la plainte d’un saxophone, tandis qu’un texte dénonçant des injustices s’associera plus volontiers à un tapis rythmique lourd, parfois métallique. Mais attention: rien d’automatique et les meilleurs s’ingénient à colorer Leur musique de choses inattendues. Et ceux qui nous attirent le plus sont ceux qui n’hésitent pas à inventer des choses neuves. Les chansons de Zebrock n’échappent pas à la règle. Voici ce que nous inspire par exemple «Les vacances au bord de la mer», la chanson de Michel Jonasz.
À travers le piano et la lente évolution de la chanson, on se sent envahi par la nostalgie qui est son thème. Entendez-vous les mêmes choses? Pas sûr. Quelles sont les premières choses qui vous marquent à son écoute? Quelles sont les images qui vous viennent à l’esprit?
À VOUS DE JOUER … ET D’ÉCOUTER !
Juste avant la “drôle de guerre”, un étrange olibrius jaillit de sa boîte à swing et bouscule les codes convenus et stéréotypés de la chanson française. Charles Trenet dit toujours les choses d’un ton léger, insouciant. Il injecte dans la chanson de la poésie et de l’humanité, de la chair et des sentiments comme personne avant lui. Il y insuffle vie et folie, amours et secrets. Dès 39, il chante ce sentiment intime, à la fois triste et léger, guère éloigné du spleen de Baudelaire et du blues américain:
“Il pleut dans ma chambre
Il pleut dans mon cœur,
Douce pluie de septembre
Chante un air moqueur”
Pour chacun de nous, et probablement plus encore à l’âge adolescent, en recherche de soi, aucun espace n’est plus propice à l’expression de l’intime que cet pettite dizaine de mètres carrés que nous élisons comme chambre à coucher.
La chambre est dépositaire de tant de sentiments qui ne pourraient pas être pensés ou vécus ailleurs… Tant d’histoires s’y écrivent, tant de rêves s’y inventent. Tant de chansons l’évoquent… Il nous semble que s’y dessine, pour Zebrock au Bahut, un vaste territoire à explorer.
La chambre est d’abord le lieu présent, concret, où la vie s’imagine et s’invente mille contours possibles; L’amour y rôde, les rêves, les espoirs. Les peurs et les angoisses aussi. Des aspirations secrètes aux regrets indicibles, toutes les émotions nous y entourent, aux moments de solitude, juste avant le sommeil, et dans nos songes.
C’est là, n’en doutons pas, que le héros d’Aznavour “se voyait déjà, en haut de l’affiche”. C’est là que le Titi de Renaud retrouve sa guitare, “étouffée, mais aimé” par une mère un peu trop protectrice. Là aussi que Diam’s attend un “mec qui saurait [lui] donner des ailes”.
La chambre est aussi, surtout, le théâtre des émois et du désir. Là ou s’épanouit la rencontre des amants.
“Quand tes cheveux s’étalent comme un soleil d’été,
et que ton oreiller ressemble aux champs de blé” (Johnny Hallyday)
Chambre à dormir, à rêver, à aimer. Chambre à souffrir aussi, aux soirs de cafard ou d’incertitude. Chambre où l’on se cherche, confronté à ses doutes, ses limites. C’est là que Thomas Fersen, la journée surnommé “Dugenou”, goûte sa revanche:
“Mais la nuit dans mes rêves,
Elles m’appellent mon P’tit Lu,
Ma colombe, Mon Jésus,
Mon Loukoum ou ma fève”.
C’est dans la chambre qu’on se construit et qu’on se donne à voir. Les posters accrochés aux murs reflètent les passions et les goûts de son locataire. En les affichant, c’est son identité bâtie au fil des jours qu’on affirme aux yeux de ses parents, des amis invités… ou de soi-même.
La chambre, écrin des rêves et des ambitions. Là, se construisent, soir après soir, à l’heure des devoirs, des destins possibles ou acceptables. Apprenti artiste ou poète, on y met le talent au pied du mur. Travailleur, génial ou paresseux, on s’y confronte au réel, au douloureux problèmes de maths, aux règles du français si déroutantes parfois… On confie ses doutes à un journal intime… On écrit son blog sur Internet… on chatte avec les amis, ou des inconnus à l’autre bout du monde… Encore faut-il être connecté sur le monde réel, et toutes les chambres, loin s’en faut, n’ont pas le haut débit!
Parfois la chambre n’a rien d’un havre de tranquillité. On la partage, avec un petit frère, une grande sœur, pour le meilleur, parfois pour le pire et souvent dans le bazar. On y subit les contraintes de la vraie vie, la modestie et parfois la pauvret, source de frustration ou de motivation. Envie de renoncer ou désir d’en sortir? Premier terrain de jeux et d’exploration, qu’on ouvre joyeusement aux copains, la chambre est aussi le lieu des joies et des bêtises partagées et préservées… des parents.
TANT D’HISTOIRE S’Y ÉCRIVENT, TANT DE RÊVES S’Y INVENTENT…
Quoi qu’il arrive plus tard, c’est toujours dans la chambre que tout commence. “Au pied de mon arbre”, disait Brassens. “Quand j’étais gosse haut comme trois pommes”, se souvenait Gabin, au soir de sa vie. De là nous prenons notre envol. Alors la chambre évoque aussi tous nos jardins secrets, les lieux réels ou imaginaires où nous nous ressourçons…
Comme dit Bénabar, il suffit de “quatre murs et un toit” pour abriter toutes les histoires de vie.