En voilà un autre, d’écorché vif! Chien fou, rimeur révolté, mauvaise graine, mauvaise langue, prêt à vitupérer sur tout, ou plutôt contre tout… Il y a du Cyrano dans cet homme, qui prend toujours le monde à rebrousse-poil, ne “grimpe pas très haut, peut-être, mais tout seul”, fustigeant les drapeaux, les chasseurs, les nations, les culs bénits, les bourgeois, les nantis. S’il n’avait pas été chanteur, il aurait été Bonnot, ou Ravachol, ou bien clochard, à faire la manche dans “un wagon de 1ere classe du métro-popo-litain”. Mais est-ce à cause de sa chanson, ils ont disparu, ce wagon-là! Voilà au moins une victoire à mettre à l’actif du cher Henri Tachan, chanteur rétif à toute autorité, craignons-le, pour l’éternité.

C’est vrai qu’elle est courte et intense, et légère mais combien essentielle, cette brève période qui conduit l’enfant à l’âge d’homme. Tant d’enjeux s’y jouent. En quelques rapides parties, on y redistribue tant de cartes. “On est pas sérieux quand on a dix-sept ans” disait Arthur Rimbaud. Il faudrait pourtant, sur le moment deviner tout ce qui se prépare là, le temps de quelques années. Sur le moment, il est rare qu’on en ait l’intuition. On n’en prend conscience que plus tard, et cette mélancolie fait le bonheur des poètes. Car c’est bien un poème en musique que cette chanson-là.